Le Mémorial de Caen a décidé d’annuler ses cinquièmes Rencontres du dessin de presse qui auraient dû se dérouler les 9, 10 et 11 avril. La raison principale ? La crainte des attentats à la suite du drame de Charlie Hebdo, de la fusillade de Copenhague.
Les organisateurs ont-ils cédé face à la terreur ? Dans un sens oui, car en maintenant cette manifestation, le Mémorial et les dessinateurs présents auraient ainsi prouvé à la face du monde qu’ils ne voulaient pas céder aux diktats et aux ukases de la barbarie, du terrorisme le plus aveugle. Les conférences, les “cartoon battles”, les rencontres et les débats auraient été de véritables armes pour lutter contre le fléau terroriste, comme pour lui dire « Même pas peur ! » Tout un chacun aurait aimé revivre une belle discussion sur les thèmes : Dessiner en temps de guerre (2014) ; La presse satirique (2013) ; Humour français où es-tu (2013), etc. Les aficionados ont sans doute du mal à comprendre la décision du directeur du Mémorial, Stéphane Grimaldi, sachant que, depuis presque un quart de siècle, le dessin de presse, par définition caricatural, est présent dans cette enceinte qui organise, par ailleurs, le concours international de plaidoiries des lycéens et des jeunes avocats. Annuler ces Rencontres équivaut à baisser les bras à un moment où notre pays doit montrer qu’il reste une terre de liberté. Annuler ces Rencontres, c’est envoyer le message que la France finit par céder aux exigences des terroristes, constituant ainsi un aveu de faiblesse.
Mais dans un autre sens, comment ne pas comprendre les craintes légitimes de Stéphane Grimaldi ? Après les attentats de Paris et Copenhague (lors d’une réunion sur le blasphème, où était présent Lars Vilks, auteur des caricatures de Mahomet), le contexte ne se prête guère à organiser une rencontre de cette envergure. Les caricaturistes, qui constituent l’essentiel des intervenants et aussi la raison d’être et d’exister de ces Rencontres, sont clairement dans le viseur des islamistes radicaux. De plus, ces Rencontres sont publiques. Stéphane Grimaldi ne se voyait pas organiser cette manifestation dans « un Mémorial transformé en fort », même si, depuis les attentats, la sécurité y est déjà renforcée. Pas question, non plus, pour lui d’organiser un huis clos : « Ce n’est pas l’esprit de ces Rencontres et cela n’a aucun intérêt. » En plus, le site Internet du Mémorial a été attaqué au moins six fois depuis le 8 janvier et plusieurs dessinateurs, français et étrangers, avaient fait part de leurs inquiétudes, bien qu’ils aient maintenu leur participation. Pas question, donc, de faire courir le moindre risque aux dessinateurs, au public et à la centaine de salariés. La préfecture du Calvados avait laissé le choix : soit jouer la carte de la sécurité et annuler ou reporter la manifestation. Soit jouer la carte de la tradition et donc la maintenir. Autrement dit, vu du côté des terroristes, jouer la carte de la provocation. Stéphane Grimaldi a tranché. Beaucoup de dessinateurs ont salué « sa sagesse et sa prudence ». Est-ce mieux ainsi ? Choisir, c’est renoncer.