Depuis 40 ans, le droit est une idéologie!

C’est le 18 mars que doit être présenté en conseil des ministres le projet de loi visant à combattre encore plus efficacement « la lèpre raciste et l’antisémite », notamment sur internet (voir nos éditions des 24 et 25 février). Petit-neveu de Léon Daudet et avocat de 1970 à 2007, Eric Delcroix a guerroyé sans relâche pour la liberté d’expression et de conscience, ce qui lui valut en 1974 d’être expulsé de Moscou où il avait rencontré Andreï Sakharov et révélé le cas du dissident Leonid Pliouchtch. Cela lui valut aussi d’être lui-même condamné puis privé de l’honorariat par ses pairs lorsque, écœuré par le climat actuel, il se retira. Défenseur attitré de François Brigneau, de Robert Faurisson, de Claude Autant-Lara et de l’hebdo Rivarol, il obtint nombre de relaxes, car cet homme de conviction, excellent orateur, était aussi un as de la procédure.

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— Eric Delcroix, dans votre maître livre, Le Théâtre de Satan, vous incriminez « la décadence du droit » et « la partialité des juges ». Qu’entendez-vous par là ?
— Dans la civilisation européenne continentale, nous sommes les héritiers, notamment grâce au droit romain, d’une certaine vision rationnelle et impartiale du droit. Premièrement, le droit est distinct de la morale, même si l’un et l’autre se recoupent (voler est illégal et immoral), aussi le « devoir de vertu » (Kant) ne relève-t-il pas du droit ; deuxièmement, le droit est le minimum des règles, essentiellement techniques, permettant de vivre en société. Or, sous l’influence anglo-américaine, le droit tend à se confondre avec la morale (Etat de droit) au point de judiciariser la société (actions de groupe de parangons de vertu antiracistes ou de consommateurs, etc.).
— On entrevoit bien là la décadence du droit, mais pourquoi les juges, ainsi de plus en plus omniprésents dans nos vies, deviendraient-ils partiaux ?
— Aux termes des lois Pleven (1972), Fabius-Gayssot (1990), Lellouche (2002) et Perben (2004), de façon de plus en plus générale, la question posée pour savoir si une infraction est formellement constituée n’est plus : l’auteur a-t-il voulu l’acte ? Mais : pourquoi l’a-t-il voulu ? En d’autres termes, le juge est tenu de violer le for intérieur de l’accusé pour s’assurer de sa conformité intime au « devoir de vertu ». Vous avez le droit de refuser de louer un appartement à telle ou telle personne, sauf si on décèle chez vous un mobile peccamineux (de l’ordre du péché), telle une discrimination interdite recouverte du mot-valise de « racisme ». De l’interdiction de l’acte on est passé à l’interdiction de l’arrière-pensée (même en présence d’un acte licite en soi, tel le refus de louer), ce qui signe la fin de notre arbitraire intime, le juge étant tenu de nous interpeller là-dessus… Le juge doit ainsi appartenir métaphysiquement au camp du Bien.
Dès lors le juge est enjoint à la partialité dite antiraciste : toutes les discriminations naturelles sont peu ou prou interdites par le nouvel ordre moral. Mises à part les scandaleuses « discriminations positives », la discrimination par l’argent demeure pratiquement la seule autorisée.

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— Votre dernier livre est intitulé par provocation Manifeste libertin mais il est sous-titré « Essai révolutionnaire contre l’ordre moral antiraciste ». Cet ordre moral n’est-il pas en réalité le cache-sexe de la francophobie à laquelle vous aviez consacré un autre livre, dès 1993 ?
— Evidemment, le nouvel ordre moral est d’abord antidiscriminatoire (« antiraciste »), c’est-à-dire qu’il interdit en pratique toute préférence voire toute référence nationale. Les Français de souche sont tenus d’accepter la dissolution de leur être collectif dans la jachère industrielle de libre passage et de libre installation mondialiste que la France est sommée de devenir. Nous sommes là en pleine francophobie rabique.
— En réponse à ma première question, vous avez lié nouvel ordre moral et « Etat de droit » ; pourtant tout le monde utilise cette locution de façon positive.
— Personne, pas même les juristes d’aujourd’hui, ne semble y réfléchir. L’Etat de droit vient d’abord de la rule of law britannique, nappée de sauce américaine. Les Allemands l’ont adopté (Rechtsstaat) après guerre d’autant plus facilement que leur tradition juridique n’a pas été aussi construite que la nôtre, leur Etat national ayant été constitué plus tardivement. Le principe de l’Etat de droit, c’est qu’il y a un ordre supérieur qui doit brider la souveraineté des Etats. Il ne s’agit pas d’un ordre naturel chrétien ancré au fin fond de notre histoire, mais du totalitarisme abstrait des droits de l’homme… antidiscriminatoires bien sûr ! A cet égard, il faut savoir que les instruments internationaux, telle la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, sont beaucoup plus pernicieux que notre Déclaration de 1789 ; par exemple, ils rendent impossible l’abrogation du décret Chirac (1976) sur le regroupement familial.
— Votre avis sur Le Suicide français d’Eric Zemmour, qui justement condamne le décret Giscard-Chirac ?
— Eric Zemmour a fort bien compris l’importance de la décadence du droit dans Le Suicide français. Il y dénonce la loi Pleven, « la fin de la liberté d’expression en France » dit-il, mais aussi parce qu’« elle donne au juge le droit de sonder les cœurs et les âmes ». Il dénonce à bon escient ce contre-coup de l’Etat de droit qu’est le « gouvernement des juges ». D’abord à travers ce véritable coup d’Etat perpétré par le Conseil constitutionnel, par la jurisprudence dite du « bloc de constitutionnalité » (1971). La haute juridiction, créée pour exercer un contrôle technique sur les lois, s’est jugée qualifiée pour exercer un contrôle idéologique. Ensuite par la ratification, en 1981, de la juridiction de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a le pouvoir exorbitant de condamner la France, là-aussi sur des bases essentiellement idéologiques. Si demain un parti national parvenait au pouvoir, ses réformes essentielles seraient annulées (Conseil constitutionnel) ou leur application condamnée financièrement (CEDH).
— Que devraient alors faire les nationaux arrivés par hypothèse au pouvoir ?
— Dans le respect de la Constitution si c’est possible, par un contre-coup d’Etat. Sinon, il leur faudra renverser ce système par la voie référendaire. Encore faudrait-il se donner la peine de dénoncer la décadence du droit et la partialité des juges (que personne n’a élus). En quarante ans, le droit est devenu une idéologie en Europe et spécialement en France. Il serait vain de pousser au pouvoir qui ne l’aurait pas compris.

Lu dans Présent

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