Le lion est mort ce soir est le titre d’une chanson populaire qui renvoie, dans une comparaison filée tout au long du film, au destin du personnage principal, un vieil acteur prénommé Jean. Jean doit interpréter un vieil homme au seuil de la mort, puis mort. Ceci lui semble difficile : doit-il avoir l’air simplement endormi, raidi, tirer la langue… ? Qui plus est sa partenaire, de son âge, fait un blocage psychologique et refuse de jouer. Le tournage est donc suspendu en attendant qu’elle se débloque.
Jean décide alors de retourner dans une grande villa près de la côte provençale où s’est déroulé, en 1972, un événement décisif de sa vie. Il y avait vécu quelques semaines intenses avec Juliette, l’amour de sa vie. Il la revoit, toujours aussi jeune et belle, dans la vieille maison manifestement abandonnée. Elle est morte noyée en 1972 précisément, peu après la rupture, d’un accident ou d’un suicide. Elle ne le précise pas. Jean converse donc avec un fantôme et ne s’en étonne guère. A leur manière, ces scènes sont belles et poétiques. Bien mené, ce thème aurait suffi à réaliser un beau film, plaisir si rare dans le cinéma français d’aujourd’hui.
Le lion est mort ce soir, un gros coup de cœur
Puis interviennent des enfants qui accaparent la villa et le film pour en faire un film de fantômes. Le vieil acteur accepte de jouer le fantôme. L’enfance d’aujourd’hui manque toutefois de poésie. Les enfants décident de filmer des chasseurs de fantômes qui les tuent, avec les modestes moyens du tournage, de bruyantes mitraillettes-jouets. Le spectateur avoue parfois hésiter entre le charme de l’enfance et le ridicule de certaines scènes, heureusement brèves.
Jean essaye de transmettre aux enfants sa passion du cinéma. Et Le lion est mort ce soirpropose, in fine, de belles leçons sur ce thème. Quant à la mort, Jean y réfléchit ; il veut l’aborder dignement, sans peur. Il aurait été bon de glisser certaines réflexions chrétiennes, qui manquent ; mais à défaut échappe-t-on comme dans le récent Lucky un exposé de croyances matérialistes. Qui voit des fantômes croit au moins en l’immortalité de l’âme.
Le lion est mort ce soir peut certes ne pas plaire à tous. Mais nous avons éprouvé un gros coup de cœur pour ce film. Les paysages de Provence sont superbes et ensoleillés. Dans cette œuvre de la grande maturité, Jean-Pierre Léaud (Jean) interprète l’un des meilleurs rôles de sa carrière, débutée très jeune : il était l’enfant des Quatre Cents Coups de Truffaut, en 1959.