Stop-Djihadisme, c’est une déclinaison de « Toi Aussi, Stigmatise Un Djihadiste » qui nous est proposée avec force icônes et moult vignettes, le tout agrémenté de textes colorés écrits en gros et d’une vidéo qui a déjà encombré une partie considérable de la bande-passante de leurs serveurs. Et là, une question lancinante revient dans la tête de l’internaute égaré qui découvre le contenu âprement mis en ligne par les fiers tâcherons des intertubes de Matignon : à qui s’adresse donc ce site ? Selon la presse, toujours bien rencardée dès qu’il s’agit de faire la retape de la main qui la nourrit, ce site s’adresse à des personnes en voie de radicalisation et offre des conseils à leurs proches.
Eh oui, mes petits amis, parce que lorsqu’un djihadiste en herbe s’apprête à se lancer dans le terrorisme ou à plier bagage pour la Syrie ou l’Afghanistan, il commence par tapoter gouvernement.fr dans la barre d’URL de son navigateur personnel. Et là, paf, c’est la surprise : il tombe quasiment nez à nez, ou disons nez-à-site avec une vidéo du site franco-français Daymolition sur le terrible sujet du djihadisme.
Notez au passage que l’orthographe djihadisme a été préférée à jihadisme ou même giadisme, mais immédiatement affublée d’un # pour, d’une part, faire tendance / web-2.0 / réseau social / swag et d’autre part aiguiller les futurs tweets dans la bonne direction optimisée SEO. Et pour que le message passe bien, outre des mots simples, un numéro de téléphone facile à retenir (et, bien sûr, payé par le contribuable gratuit), et un formatage du site façon plaquette de présentation de lingettes nettoyantes pour machine à café, les concepteurs sont allés jusqu’à inclure une sympathique série de pictogrammes simples à comprendre qui ne dépareilleraient pas la porte d’une toilette publique.
Quelque part, c’est touchant : Gouvernemaman se fait du souci pour ses piou-pious et futurs contribuables auxquels elle explique donc, en détachant bien les mots pour éviter qu’ils s’embrouillent la tête, les signes avant-coureur d’une radicalisation pathologique.
Qand on voit ça, on ne peut que s’écrier : Malheureux ! Arrêtez ! Ne dévoilez donc pas tous les subtils indices qui permettent de repérer le déviant du Français normal qui mange du pain et écoute du Zazie. Si vous continuez, il apparaît évident que pour mieux se fondre dans la foule des Français normaux, le djihadiste, surfant sans vergogne sur les sites gouvernementaux, va dorénavant faire exactement le contraire : il va redoubler d’effort pour ne pas se laisser pousser la barbe, manger des croissants au beurre et écouter du Christophe Maé (et sa radicalisation n’en sera alors que plus compréhensible).
C’est là qu’on commence à percevoir une réponse à la fameuse question lancinante : à bien y réfléchir, ce site a la forme d’un site qui ne s’adresserait pas aux bonnes personnes, il a l’odeur d’un site qui louperait sa cible et la couleur d’un site qui taperait à côté. D’autant que, sur les cas connus, la radicalisation des terroristes n’a pas eu lieu sur le web. Zut alors.
Bien évidemment, on comprendra que ce site n’est pas destiné aux cibles en question, mais exclusivement à justifier l’existence du service qui l’a pondu, et à communiquer sur les « actions » que le gouvernement entreprend pour lutter contre la terrible menace.