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La sixième journée de colère des Gilets jaunes s’est déroulée samedi. Le nombre de manifestants était en baisse à Paris, mais en progression en province, en particulier à Marseille, Toulouse, Lille, et aux frontières avec l’Italie et l’Espagne. Le ministère de l’Intérieur faisait état de 38 600 manifestants, et de 220 arrestations. Les « grands » médias n’ont retenu qu’une chose : la baisse du nombre de participants (66 000 le samedi précédent). D’où quelques titres « optimistes » : « La fronde faiblit » (Le Journal du Dimanche), « une mobilisation en nette baisse » (Le Figaro), tandis que Le Monde évoquait une « sortie de crise ».
Les chiffres ont certes parlé. Mais lorsqu’on interroge les Gilets jaunes, force est de constater que la révolte, elle, n’est pas « en nette baisse ». Ils entendent poursuivre leur action semaine après semaine. Le phénomène ne sera pas un feu de paille. Le gouvernement en est conscient, d’où les très nombreuses arrestations d’animateurs et de porte-parole plus ou moins autoproclamés de cette fronde.
Structurer la colère ? Se constituer en parti politique, sur le modèle du « Mouvement 5 étoiles » italien ? Présenter une liste aux européennes, ou mieux aux municipales de 2020 ? Une chose est sûre : c’est toute une fraction de la population française qui se découvre une conscience politique, et ce mouvement inattendu, improvisé, va bouleverser en profondeur la société. Macron avait voulu opposer « progressistes » et « nationalistes » le 11 novembre dernier. Il n’imaginait certainement pas que la formule trouverait si vite son illustration.
« Effacer nos repères civilisationnels », « Nous priver de notre patrie charnelle »
Les concessions financières n’ont pas mis un terme à toutes les revendications, et en particulier à celles qu’une dizaine d’officiers supérieurs ont exprimées fortement, dans une adresse à Macron, après la signature par notre pays du calamiteux Pacte de Marrakech : « Vous ne pouvez pas décider seul d’effacer nos repères civilisationnels et de nous priver de notre patrie charnelle. »
Les drapeaux tricolores, ces Marseillaise chantées aux ronds-points correspondent à ce sentiment de dépossession patriotique. Les généraux insurgés ajoutent ceci : « Vous êtes comptable devant les Français de votre action. Votre élection ne constitue pas un blanc-seing. » Les nouvelles revendications des Gilets jaunes se situent largement sur ce terrain-là, désormais. Il y a le sentiment que la liberté d’expression a été confisquée et que le pouvoir (les pouvoirs) s’ingénie(nt) à empêcher une expression directe sur toute une série de questions. Par exemple l’accord de Marrakech. Par exemple l’immigration. D’où cette revendication – qui rencontre l’assentiment de 75% des Français – pour un vrai droit au référendum, droit confisqué jusqu’à présent, comme on l’a vu sur le « mariage » homo.
Même les « quenelles » de Gilets jaunes à Montmartre, ou autres pancartes plus ou moins heureuses, montrent à leur façon une exigence de liberté de pensée et de parole, alors que cette liberté se restreint constamment. Dans le livre du professeur de Harvard (et de gauche, bien entendu) Yascha Mounk, Le Peuple contre la démocratie, consacré au populisme, et dont tout le monde parle actuellement (à gauche), celui-ci écrit notamment : « Quand 58 % des Suisses ont voté l’interdiction de bâtir des minarets il y a de ça quelques années, beaucoup de journaux français ont critiqué cette mesure au prétexte qu’elle n’était pas démocratique. C’est selon moi une confusion dans les termes. En grec, la démocratie est le pouvoir du peuple. Aujourd’hui encore, il y a au cœur de la notion de démocratie telle que la comprend le citoyen ordinaire cette idée qu’il a son mot à dire sur la direction du pays. » Les Gilets jaunes ne pensent ni ne disent pas autre chose.