26 décembre. Noël n’est déjà plus qu’un souvenir. Les invités sont repartis, la vaisselle de fête est rangée dans l’armoire, la grande nappe blanche tourne dans le lave-linge. Le petit Jésus dort sagement dans sa mangeoire en attendant l’Épiphanie. Après l’euphorie de la veille, les enfants, étrangement silencieux, semblent dormir eux aussi. Pourtant, si l’on pousse la porte de leurs chambres respectives, on peut voir les aînés plongés dans la lecture d’un livre, les plus jeunes affairés à coiffer une jolie poupée ou à construire une maisonnette en Lego. Ils découvrent enfin véritablement ces cadeaux trouvés la veille au pied du sapin et déballés avec des cris de joie, mais qu’il a fallu laisser pour partir à la messe, accueillir la famille, aider à remettre un peu d’ordre.
Cependant, si l’on en croit les journaux, le 26 décembre, de nombreux cadeaux de Noël sont déjà remis en vente. Sans même avoir été ouverts car, explique très sérieusement Olivier Mathiot, président de PriceMinister, « toujours dans leur emballage, c’est là qu’ils sont attractifs ». Le procédé aurait sans nul doute choqué ma grand-mère qui, âgée de quatre-vingt-dix ans, avait encore les yeux brillants en évoquant l’orange qu’enfants, elle et ses sœurs recevaient parfois comme unique présent. Fruit certes rare à l’époque et pour cela merveilleux, qu’elles dégustaient avec autant d’émotion que de gourmandise.
Ne nous hâtons pas, néanmoins, d’en conclure que notre société de surabondance et de surconsommation ne fabrique que des sans-cœur, des indifférents, des ingrats. Earl Wilson avait beau ironiser sur le fait qu’« une femme peut courir des heures chercher un cadeau pour un homme. Ça finit toujours par une cravate », il faut croire que les hommes n’aiment que les cravates… ou qu’ils rechignent à se séparer de celles choisies pour eux par leur épouse. Une enquête révèle, en effet, que plus le lien familial est étroit, lien conjugal en tête, moins le présent risque de se retrouver sur eBay, PriceMinister ou Le Bon Coin. Plus généralement, la revente des cadeaux de Noël suscite encore quelques scrupules. « Un père de famille des Yvelines, qui a mis en vente quatre cadeaux de ses enfants […] convient néanmoins que cela “ne se fait pas” et ne veut pas que cela se sache », rapporte ainsi Ouest-France.
Cela « ne se fait pas »… mais cela se fait quand même. Or, si l’on peut comprendre qu’on veuille se délester d’un CD ou d’un DVD que l’on possède en double exemplaire, il est grand dommage de revendre un jouet ou un livre de ses enfants au motif que « ça ne les intéressait pas ». Que celui qui ne s’est jamais passionné pour un jeu ou un roman dédaigné pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, et déniché un jour d’ennui au fond de son placard fasse le premier clic. Mais nous ne savons plus attendre et ne supportons plus d’être déçus.
Il est vrai que les sites d’annonces ont tout intérêt à jouer sur cette déception puisque, selon le même journal, « pour chaque transaction réalisée, PriceMinister empoche une commission allant de 5 % à 15 % du montant de la vente ». Après la magie de Noël, il faut bien continuer à faire tourner la machine.