Écrivain et journaliste égyptienne, Fatima Naoot encourt de 6 mois à 5 ans de prison pour “insulte à l’islam” après avoir tenu sur Facebook des propos considérés comme critiques à propos de l’Aïd al-Adha.
“C’est le plus grand massacre commis par les êtres humains”. Cette petite phrase postée en octobre dernier sur Facebook à l’occasion de la fête sacrificielle de l’Aïd al-Adha (ou Aïd el-Kebir), vaut aujourd’hui à Fatima Naoot d’être renvoyée devant une cour criminelle égyptienne, rapporte le quotidien égyptien “Al-Ahram”. Le 28 janvier, la célèbre éditorialiste du journal “Al-Masry Al-Youm” comparaîtra pour avoir insulté la religion musulmane, un délit passible de 6 mois à 5 ans de prison en Égypte.
Pour l’auteur égyptienne, figure de la poésie féminine contemporaine, “ce massacre annuel est basé sur le cauchemar passé d’un des prophètes, un jour, à propos de son fils, et bien que ce cauchemar sacré soit terminé pour le bonhomme et son fils, le mouton en paie encore le prix aujourd’hui”.
Dans la religion musulmane, l’Aïd al-Adha, l’une des deux principales fêtes de l’islam, célèbre le sacrifice d’Ismaël. Son père, Abraham, avait accepté d’égorger son fils unique pour se soumettre à la volonté Dieu. Finalement, Ismaël fut épargné et un mouton offert en guise d’offrande sacrificielle. Chaque année, les musulmans commémorent ainsi cet épisode sacré en égorgeant un mouton.
Les condamnations pour insulte à la religion en hausse
Si durant son interrogatoire Fatima Naoot a admis avoir écrit ces lignes, elle réfute cependant avoir voulu insulter l’islam. La poétesse, elle-même pratiquante, a indiqué regretter que “les êtres humains justifient leur désir de sacrifice en cherchant des justifications sacrées à leur actions”.
En Égypte, l’insulte à la religion a été inscrite dans le code pénal en 1982, sous le régime d’Hosni Moubarak. Selon cette loi, “toute personne qui use de la religion dans ses écrits ou d’autres médias” pour servir “des idées extrémistes” dans le but de “répandre la discorde”, “dénigrer l’une des religions monothéistes” (islam, christianisme et judaïsme, NDLR) ou “nuire à l’unité nationale”, encourt de 6 mois à 5 années de prison.
Selon un rapport de l’Initiative égyptienne pour les droits civiques (Egyptian Initiative on Personal Rights) de septembre 2013, les tribunaux égyptiens ont condamné 63 citoyens pour insulte à la religion entre 2011 et fin 2012.
Une figure féministe
Réagissant à l’annonce de sa prochaine comparution pour injure envers l’islam, Fatima Naoot a expliqué, toujours sur sa page Facebook, qu’elle respectait la justice de son pays, en qui elle a “pleinement confiance”, et les “magistrats honorables” qui jugeront son cas. L’éditorialiste se dit pacifiste et s’en remet à Dieu, tout en regrettant que ses propos aient été mal compris. Mais elle écrit cependant qu’elle acceptera le jugement de la cour.
Reste que ses excuses ne sont pas parvenues à apaiser les esprits. Connue pour son franc parler et ses prises de position, ses propos sur la “Fête du sacrifice” lui valent aujourd’hui une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux mais également des menaces de mort. Des photomontages appelant à l’égorger fleurissent ainsi sur Facebook.
Personnalité reconnue, s’intéressant à la cause des femmes et des coptes notamment, elle fait figure de femme moderne et a toujours revendiqué son appartenance à un islam “éclairé”. Fatima Naoot a notamment traduit en arabe Virginia Woolf et Philip Roth et a été récompensée pour ses ouvrages à l’étranger. Ses poèmes ont été traduits dans au moins neuf langues, dont le français.
Fatima Naoout avait participé la semaine dernière à un entretien entre le président Abdel Fattah al-Sissi et des intellectuels égyptiens.
Elle avait déclaré que le chef de l’État, qui a renversé le président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013, “a appelé les intellectuels à former un courant d’éclairés pour confronter l’idéologie takfiriste (idéologie extrémiste, NDLR), qui défigure la religion”.