C’est l’histoire d’une dérive et au bout du compte d’un naufrage. Tout part d’un éditeur qui veut faire du neuf. Il lance une collection : « Vérités et légendes », c’est à la fois « tendance » et vieux comme l’édition, « secrets d’Histoire », « dessous de l’Histoire »…
Des auteurs sérieux sont recrutés. Ici, Jean-Clément Martin, spécialiste consacré de la Révolution française, des guerres de Vendée, biographe de Robespierre. Il est de filiation jacobine et a occupé plusieurs années durant la chaire des Mathiez, Lefebvre, Soboul. Il s’est alors senti pousser des ailes. Surtout, il a tourné sa production contre les historiens révisionnistes. Tous ceux qui, dès les années 80, ont dénoncé les manques de l’histoire officielle de la Révolution. Au fil du temps, il est devenu (avec Michel Biard, plus orthodoxe encore) le champion du néo-jacobinisme attaché à réhabiliter Robespierre, si cher à Jean-Luc Mélenchon.
Pourquoi pas ? Il y a de l’idéologisme, forcément réducteur, à droite comme à gauche. Mais, l’ennui avec Martin c’est son approche conceptuelle et même philosophique. Il brasse beaucoup d’auteurs, de Blaise Pascal à Sebald en passant par Hegel, Hannah Arendt ou Raymond Aron. Tout cela picoré, à la va-vite, sans plus de réflexion.
Le résultat, ici, est du déjà lu, un propos ressassé qui frôle le psittacisme et aussi un summum de casuistique et de sophistique : la Terreur n’a jamais existé, c’est une invention des thermidoriens après la chute de l’Incorruptible, reprise par tous les historiens « de droite », grands et petits. C’est un pur fantasme, pire un mythe ! Et la meilleure preuve : « nulle part son instauration figure dans les recueils de loi ».
Jean-Clément Martin s’est mué en négationniste. Pour d’autres périodes, cela se termine devant les tribunaux. Pour 1793, aucun danger, sauf celui de couler en eau profonde, aux yeux ébahis de toute la profession. Mais l’espoir aussi d’être repêché par un Patrick Boucheron, expert en dévoiements.
Jean Heurtin
La Terreur, Jean-Clément Martin. Perrin, 228p., 13 euros