La persécution des musulmans Rohingyas ne doit pas occulter les autres conflits de ce pays, où la liberté religieuse est sévèrement menacée.
Le pape François, qui atterrira le 27 novembre 2017 en Birmanie — Myanmar — arrive dans un pays tumultueux, où ses paroles seront scrutées. Le cas des musulmans « Rohingyas » fait les gros titres de la presse occidentale, mais d’autres persécutions existent dans ce pays, qui visent aussi les chrétiens.
Une Birmanie bouddhiste
Une partie des Birmans souhaiteraient faire de leur nation un pays homogène religieusement. Cette utopie s’exprimait en particulier à travers les moines bouddhistes du Ma Ba Tha. Ce mouvement a été interdit le 23 mai 2017, mais perdure sous un autre nom : « Fondation philanthropique Bouddha Dhamma ». Son influence s’exerce à l’encontre des Rohingyas, mais les chrétiens, en particulier dans les territoires où vivent les minorités ethniques, subissent des discriminations plus sourdes.
David Eubak, fondateur des Free Burma Rangers, pasteur et ancien des Forces spéciales américaines, spécialiste du pays, rappelle que les chrétiens ont été longtemps réprimés dans le pays : « L’armée birmane a brûlé des centaines d’églises pendant la répression des ethnies Karen, Karenni et Hachin ». Pour le moment, ceux qu’on appelle les Rohingyas sont les victimes principales de l’armée, avec 600 000 déplacés, selon le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies.
Mais les combats continuent contre les Kachin, dont 100 000 personnes ont été déplacées. Dans les zones ethniques où il n’y a plus de conflit ouvert, comme dans l’État Karen, les chrétiens doivent se montrer discrets et prudents, constate David Eubak, et ils n’ont pas leur mot à dire si les autorités décident de bâtir une pagode bouddhiste dans leur village.
Les Rohingyas convertis entre deux feux
Enfin, les discriminations religieuses atteignent leur paroxysme pour la petite minorité de chrétiens Rohingyas. L’organisation Portes Ouvertes averti que ceux qui choisissent de se convertir au christianisme, sont menacés de mort par leurs compatriotes. Quand ils trouvent refuge au Bangladesh, ils sont assimilés aux autres Rohingyas et sont conduits dans des camps où ils retrouvent leurs compatriotes, et en fin de compte les mêmes problèmes qu’en Birmanie.
Aborder la question des Rohingyas
Le pape François sera naturellement très attendu sur la question des Rohingyas. Accueilli en Birmanie, il ne pourra pas taire le calvaire que subit cette population. Un membre du haut clergé catholique birman nous avertit : « Il n’y a pas de tribu ou de race Rohingya, mais des migrants illégaux bengali qui emploient ce mot pour tenter d’obtenir un état séparé, comme les Kachin ou les Karens. Nous devons les aider, charitablement, mais non donner droit aux revendications d’un état séparé ». Il accuse les Occidentaux de ne pas comprendre la complexité de la situation et d’aggraver les malheurs en votant des sanctions.
Comme lui, de nombreux Birmans sont circonspects devant ces réfugiés bengalis, dont certains sont installés illégalement en Birmanie depuis deux générations. Ils redoutent l’appel d’air de migrants illégaux musulmans venant du Bangladesh voisin. Cette crainte explique le manque de réaction devant les exactions commises par l’armée birmane. Elle explique probablement aussi le silence de l’opposante historique à la junte militaire birmane, Aung San Suu Kyi.
Le pape François a accepté de ne pas employer le terme « Rohingyas », se réjouit le cardinal Bo. Il préfèrera la périphrase « musulmans de l’État d’Arakan ». Le clergé birman demande aussi au pape François de rencontrer des responsables investis dans le dialogue interreligieux. Il a donné 15 noms, parmi lesquels des bouddhistes, hindous, chrétiens, mais aussi musulmans, dont des Rohingyas. « Il serait injuste », souligne un évêque birman « d’accuser une religion des problèmes que connaît actuellement le Myanmar. (…) La majorité des clercs bouddhistes, hindous, musulmans et chrétiens sont rassemblés dans la prière pour la paix ».