Lorsque nous le rejoignons au Sénat, Stéphane Ravier échange plaisanteries et infos sur le dernier match de l’OM avec les huissiers du Palais du Luxembourg. Sous les ors de la République, le sénateur-maire qui a grandi dans les quartiers nord de Marseille, a gardé sa simplicité et son franc-parler.
— 32 homicides par balles depuis le début de l’année, Marseille est une fois de plus au cœur de l’actualité avec le trafic de drogue : le corps d’un adolescent de 15 ans a été retrouvé brûlé avec une balle dans la tête. Comment pouvez-vous lutter contre cette criminalité à votre échelle de maire de secteur ?
— Ce gamin de 15 ans a été retrouvé dans le XIIIe arrondissement, un des deux arrondissements dont je suis le maire. A mon niveau de maire de secteur, je n’ai pas de pouvoir sur la police municipale. Cela reste une prérogative du maire de Marseille et de son adjointe, Mme Pozmentier, qui nous déteste, c’est peu de le dire et qui n’envoie que très peu de police municipale chez nous, sinon pour verbaliser des automobilistes qui ont roulé 5 km/h au-dessus de la limite autorisée alors qu’à 500 m, se tiennent à ciel ouvert des trafics en tous genres. L’image que répandent auprès des enfants ces jeunes trafiquants qui ont le dernier iPhone et qui sont habillés de vêtements de sport de grandes marques, c’est qu’on peut gagner très vite beaucoup d’argent en restant toute la journée sur un canapé à vendre de la drogue. Je harcèle le préfet de police à ce sujet. Je rencontre une fois par mois le capitaine de police du XIIIe et le commandant du XIVe. Nous faisons le point : ils interpellent des vendeurs mais le bureau d’embauche ne désemplit pas. Vous en neutralisez deux, il y en a deux qui repoussent. Un réseau délogé s’installe dix mètres plus loin. Mais je sonne le tocsin et je fais savoir qu’il ne faut en aucun cas croire les discours apaisants du Premier ministre chaque fois qu’il se déplace à Marseille. Le maire de Marseille ignore complètement le phénomène, il n’en parle jamais. Il estime que c’est à l’Etat d’intervenir et il s’en lave les mains.
— Deux islamistes qui préparaient un attentat viennent d’être arrêtés à Marseille. Vous qui y avez grandi, vous dites avoir vécu l’islamisation de votre ville. Y a-t-il des Molenbeek français à Marseille ?
— J’ai grandi à la Maurelette qui était un quartier populaire avec des ouvriers, des employés, mon père était électricien, ma mère, femme au foyer. C’est un quartier où la population d’origine française qui avait un savoir-vivre a été remplacée par une population qui nous réclame le vivre ensemble mais qui n’a pas le savoir-vivre. Le savoir-vivre, c’est respecter son environnement, les biens communs, ne pas pratiquer certains rites religieux en pleine rue, ni dans sa baignoire ni sur son balcon. A partir du moment où l’immigration qui vient rarement d’Europe du Nord mais plutôt d’Afrique du Nord est massive, il se développe en son sein ou à la marge, une frange politique, militante, islamiste.
Il y a plusieurs années, un rapport de police officiel alertait les pouvoirs publics sur les mosquées tenues par les salafistes. Nous n’avions pas attendu ce rapport pour les dénoncer, on nous rétorquait que nous voulions monter les Marseillais les uns contre les autres alors qu’existerait à Marseille « un islam de Provence », tapenade, bouillabaisse et Olympique de Marseille. Après les attentats du 13 novembre, au-delà du discours convenu de Jean-Claude Gaudin, la carte des mosquées islamistes à Marseille a brusquement refait surface…
Il y a des musulmans qui observent leur culte en toute quiétude et discrétion mais il y a aussi un islam extrémiste qui est redoutablement efficace dans les quartiers. J’étais l’autre jour dans un collège. Le proviseur qui est une femme me confiait son inquiétude : depuis trois, quatre ans, elle a de plus en plus de collégiennes qui ne vont plus à la piscine, qui portent le voile jusqu’à l’entrée du collège et qui ne le portaient pas avant. Ces filles sont travaillées au corps et à l’esprit par l’imam ou par le cousin qui vient du bled. Ces quartiers sont des ZEP qui ont bénéficié d’énormes moyens financiers et matériels. C’est un échec. La réalité, c’est que l’immigration massive subie par Marseille ces 30 dernières années a engendré le développement d’un islamisme radical qui ne trouve aucune résistance en face de lui. Les responsables politiques vont jusqu’à acheter cet électorat devenu très important, par exemple en aidant à obtenir un terrain à bas prix pour le projet d’une grande mosquée, comme dans le XIVe arrondissement.
— Qui pratique ce clientélisme religieux et communautariste ?
— Tous les élus, de gauche comme de droite. Il y a une compétition entre eux, ce qui explique que certains élus anticipent les doléances communautaristes. Gaudin a tout fait pour que soit construite, à Marseille, la plus grande mosquée d’Europe en offrant, par exemple, un terrain de plusieurs milliers de mètres carrés pour un loyer de 300 euros par an. Nous avions fait annuler le vote du conseil municipal par le tribunal administratif. Mais ce n’est que parce que ce fameux « islam de France » ne s’est pas mis d’accord (il y avait les pro-Algérie, les pro-Maroc, les pro-Comores…) que le projet n’a pas abouti. C’est la droite qui est au pouvoir à Marseille depuis 20 ans, et voyez ce qu’est devenue la ville : son identité, ses racines et son avenir sont fortement entamés.
— Au sujet de la répartition des « migrants » dans les communes, vous avez déclaré qu’on vous a menti sur leurs origines et qu’on s’est largement payé votre tête.
— Les autorités se moquent des élus, et à travers eux des populations. Les décisions sont prises dans notre dos : les « migrants » sont déjà là quand on s’avise de nous « prévenir ». Au mieux il y a des rumeurs, mais la préfecture est alors aux abonnés absents – même lorsque vous êtes maire de secteur et sénateur. Une fois, je réussis enfin à joindre le cabinet du préfet. Réaction : « Mais comment se fait-il que vous êtes au courant de cette arrivée ? » Quant aux clandestins, on connaît leur profil : pas de Syriens, pas de femmes ni d’enfants, pas de blessés de guerre, mais des Erythréens, des Somaliens, des Afghans. Que des hommes dans la force de l’âge, aidés par les services sociaux et les associations – tout cela financé par vous, par moi, par des familles françaises qui tirent la langue pour finir le mois, par des seniors qui cherchent un logement social. Quand j’ai demandé à Bernard Cazeneuve, au Sénat, de réformer le droit d’asile et de fermer nos frontières comme nos amis hongrois, il m’a répondu : « La tradition d’accueil héritée de 1793 fait l’honneur de la France et de la République. » Quelles références ! La Terreur, les têtes coupées… Vous lui parlez de la réalité de 2016, il vous répond par l’idéologie de 1793.
— L’élection au Sénat de David Rachline et de vous-même en 2014 a été un nouveau pas franchi par le FN. Mais concrètement, que peuvent deux sénateurs ?
— Deux sénateurs sur 348 ne pèsent pas grand-chose, mais nous sommes les porte-voix de la majorité silencieuse et parfois de sénateurs qui « voudraient bien » – comme la bonne du curé – mais qui « ne peuvent point ». A l’issue de nos interventions, il n’y a aucun applaudissement, ou plutôt un seul : j’applaudis David, ou lui m’applaudit. On sent dans quelques regards que d’autres sénateurs se laisseraient aller à applaudir… si cela ne signait pas la fin de leur carrière politique. Nous faisons savoir à l’élite qui est là ce que pense une partie du peuple, ce que la France d’en-bas subit et réclame : cette élite enfermée dans ses certitudes idéologiques ne pourra pas dire qu’elle ne savait pas. Nous alertons, c’est tout ce que nous pouvons faire car nos amendements sont balayés.
— Noël approche : installerez-vous une crèche dans votre mairie ?
— Nous en avions mis une dès Noël 2014, avec déjà des menaces. Les talibans de la laïcité qui avaient voulu faire interdire une crèche dans le conseil régional des Pays de la Loire voulaient l’interdire aussi chez nous. Je l’ai alors expliqué dans un débat sur BFMTV : interdire une crèche en Provence, à Marseille ? Si le préfet l’interdit, il faudra qu’il vienne la démonter lui-même dans ma mairie, car moi je ne l’enlèverai pas ! Le préfet n’a pas donné suite. A la même période, un samedi, je croise devant la crèche de la mairie un Maghrébin de 50 ans. Il me dit : « Ils sont cons, ces Français. C’est bien, la crèche. Moi, je suis français d’origine algérienne. Quand j’étais minot on la faisait la crèche, à l’école. » Cette année, notre crèche sera inaugurée le 4 décembre à 18 heures, avec un concert de Noël dans notre chapelle – car la mairie de secteur est une ancienne bastide avec chapelle. Dans le hall de la mairie nous exposons un graff de Snake-13-31. Nous avions demandé à ce graffeur « quelque chose qui représente Marseille », sans autre consigne. Il a représenté la silhouette de Notre-Dame de la Garde, une sorte de portrait de la Vierge… En conseil d’arrondissement, la gauche a murmuré, mais personne n’a osé me demander de retirer Notre-Dame de la Garde !
Propos recueillis par Caroline Parmentier et Samuel Martin – Présent
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Samuel Martin