Charles de Foucauld conquérant pacifique du Sahara de Jijé

Charles de Foucauld en bande dessinée
Joseph Gillain (1914-1980), plus connu sous le nom de Jijé, n’est pas le plus célèbre des dessinateurs de l’âge d’or de la bande dessinée (la fameuse « école belge »), mais c’est certainement l’un des meilleurs. On lui doit l’illustration d’albums comme Tanguy et Laverdure, Spirou, Jean Valhardi, Jerry Spring, Barbe-Rouge. Mais les chefs-d’œuvre de Jijé, ce sont ses biographies dessinées : son Don Bosco, son Emmanuel, son Christophe Colomb, sa Bernadette de Lourdes, et par-dessus tout son Baden Powell et son Charles de Foucauld. Et le magnifique roman Blanc Casque mis en BD.

Ayant suivi son cursus artistique chez les moines de Maredsous, Jijé était un artiste complet, et un artiste catholique, qui plus est. Il peignait, aussi, dans un style post-impressionniste (par exemple les fresques que l’on peut admirer dans l’église de Corbion, dans les Ardennes belges), il sculptait, il pratiquait l’orfèvrerie. « Si demain je ne devais plus travailler… je ferais de l’architecture. Ou de la peinture », expliquait Jijé peu avant sa mort. « Mais à bien réfléchir, je pense que la bande dessinée me manquerait ! Mettons que je dessinerais un peu moins et peindrais davantage… »

Charles de Foucauld conquérant pacifique du Sahara a été créé en 1959 dans l’hebdomadaire Spirou, mais l’album était un peu oublié quand les éditions du Triomphe ont entrepris, à l’occasion du dixième anniversaire de la béatification du père de Foucauld, de le rééditer, dans une version aux couleurs restaurées. Humour, émotion, précision iconographique, cette bande dessinée peut sans doute être considérée comme l’un des meilleurs albums de BD catholiques de tous les temps et de tous les pays. Sur le fond, bien évidemment, comme sur la forme.

L’album Don Bosco de Jijé avait suscité de nombreuses vocations au profit des Salésiens, et cet album avait été réédité à de très nombreuses reprises, depuis 1943, dans des formats divers. Charles de Foucauld a, certes, été moins diffusé à ce jour, mais il serait néanmoins intéressant de connaître l’influence qu’il a pu avoir, les vocations qu’il a pu faire naître chez ses jeunes lecteurs (à partir de 10 ans). Vocations monastiques et vocations militaires… Ou les deux !

Charles de Foucauld conquérant pacifique du Sahara, par Jijé, Ed. du Triomphe, 2015, 48 p., 14,90 euros.

Francis Bergeron – Présent

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Un groupe de Touareg assiste à la béatification de Charles de Foucauld dans labasilique Saint-Pierre, le 13 novembre 2005. Franco Origlia/Getty Images

En 1916, la secte islamiste des Senoussites, qui a lancé le djihad contre les « mécréants », envoie un de ses chefs, Mohamed Label, occuper Ghat, capitale du Fezzan. Dans le but de soulever les Touareg au nom de l’islam.

C’est un échec. Les Touareg, qui s’accommodent fort bien de la « paix française », s’opposent par les armes aux fanatiques. Un espion de Mohamed Label va lui donner une explication :

— Les Touareg sont fidèles à un marabout blanc, un nasri (un chrétien), qui vit à Tamanrasset.

Mohamed Label décide de charger un de ses lieutenants, Ouksem Aychekkat, de capturer, et de tuer s’il le faut, ce mystérieux marabout blanc.

Le 1er décembre, le père de Foucauld rentre d’une longue journée auprès des pauvres et des malades qui vivent dans les environs de son ermitage. Il est déjà tard quand on frappe à sa porte.

— Qui est-ce ?

— Ton esclave El Madani. Je t’apporte des lettres.

Le père de Foucauld n’a pas d’esclave. Et il sait que El Madani n’est pas à Tamanrasset. Il ouvre néanmoins la porte. Un groupe d’hommes pénètre en force et le menace :

— Abjure ta foi de renégat ou on te tue !

— Baghi m’nount (« Je suis déjà mort »), répond le père de Foucauld.

Sous les coups et les insultes, il s’agenouille et prie, les yeux tournés vers le ciel. Se souvient-il alors de ce qu’il avait écrit quelques années plus tôt ? « Considère que tu dois mourir martyr, privé de tout, étendu sur le sol, nu et méconnaissable, couvert de sang et de blessures, dans la violence et la souffrance, et pense en outre que cela peut t’arriver aujourd’hui même. »

Au loin, deux méharistes arrivent qui, eux, sont véritablement porteurs de lettres destinées à l’ermite. Les Senoussites les laissent approcher et les abattent dès qu’ils sont à portée de fusil. Ils savent que d’autres méharistes peuvent arriver à tout moment et qu’il faut décrocher au plus vite. Un ordre claque : « Tuez le nasri ! » Le cadavre du Père est jeté dans un fossé.

Le 17 décembre, le capitaine de La Roche envoie une colonne volante à Tamanrasset. Le corps de l’ermite gît là où il a été jeté. Les soldats l’ensevelissent près du bordj, là où s’élèvera plus tard une stèle à la mémoire du martyr.

A Tamanrasset, qui comptait une centaine d’habitants à l’époque, le père de Foucauld avait construit, avec l’aide du général Laperrine (tué accidentellement lors d’un vol de reconnaissance au-dessus du désert en 1920, il sera enterré aux côtés de Foucauld), un ermitage modeste. Tamanrasset était alors une étape pour les caravanes venant du Niger en direction des côtes de la Tunisie. Au capitaine Dignaux, qui commandait le poste le plus proche, Charles de Foucauld avait écrit : « Je ne suis pas ici pour convertir les Touareg en un tournemain, mais pour essayer de les comprendre et de les améliorer. J’appartiens à l’Eglise qui a le temps avec elle. Je veux que les Touareg aient leur place dans le Paradis et je suis certain que Dieu accueillera tous ceux qui furent bons et honnêtes dans ce monde. »

Lyautey, qui avait rencontré Foucauld lors d’un périple dans le Hoggar, témoignera : « Il marchait à pas rapides, à demi courbé vers le sol, traînant son chameau par la bride. Son visage émacié, garni d’une barbe hirsute qu’il taillait lui-même à grands coups de ciseaux, était éclairé par des yeux au regard profond, ardent et pénétrant. Le bagage était réduit à sa plus simple expression : une légère toile de tente pour la célébration de la messe et une table pliante pour servir d’autel. »

Alain Sanders – Présent

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