La romancière anglaise est morte à l’âge de 94 ans. Elle était une véritable institution Outre-Manche.
Si vous vouez tuer votre ennemi, ne lisez pas de romans policiers. Faites simple. Et gardez la tête froide.» Dans le salon très cosy de son élégant hôtel particulier de Holland Park Avenue à Londres, Mrs James dispensait malicieusement, entre deux tasses de thé, ses conseils de «pro»: «La plupart des assassins compliquent les choses, se contredisent, n’arrivent pas à se tenir à leur histoire. Bref, ils font du roman policier et cela les perd…»
Phyllis Dorothy James, qui est morte jeudi 27 novembre, à l’âge de 94 ans, était en Angleterre une véritable institution. Sacrée «reine du crime» par le prestigieux magazine Time, elle a été élevée au rang de baronne, pair à vie, en 1991 par Margaret Thatcher à l’occasion de son départ de Downing Street. Outre-Manche, chaque nouvelle parution d’elle tournait à l’événement médiatique et littéraire.
Sacrée vie que celle de la baronne James qui naît, le 3 août 1920, à Oxford. Forcée de quitter l’école à 16 ans à la demande de son père pour travailler au service des impôts, elle se voit rapidement obligée de suppléer aux défaillances de son mari, rentré malade d’Inde, pour faire tourner le foyer et s’occuper de leurs deux fillettes. Elle devient cadre médical et commence à écrire en parallèle.
Lon premier roman, A visage couvert, sort en 1962 et connaît le succès. Elle s’inscrit dans la tradition anglaise du roman à énigmes mais s’attache à la psychologie de ses personnages. Crime novelist certes, mais non dénuée d’humour. Humour très british qui s’incarnait dans le personnage d’Adam Dalgliesh, détective remarquablement perspicace, intelligent, sensible sans être mièvre, capable de compassion, courageux sans être une tête brûlée, et surtout poète délicat… Bref, une sorte de double de P.D.James: elle aussi a eu une vie bien remplie. Elle a longtemps travaillée dans les services de santé de la ville de Londres, puis au Home Office, dans une section de la Brigade criminelle. Fonctionnaire le jour, elle imaginait la nuit ses intrigues diaboliques ou, quand l’inspiration venait à faire défaut, lisait les grands poètes.
Médiatique, P.D.James jouissait aussi du prestige littéraire avec des romans salués par les plus grands critiques. Ses livres vont bien au-delà du detective novel: l’intrigue, pour implacable qu’elle soit, ne passe jamais, avant l’intérêt porté aux personnages, les héros aussi bien que le moindre des figurants. L’environnement a aussi son importance dramatique. Le génie du lieu a une influence capitale sur le comportement des personnages. Dans Par action et par omission, il s’agissait d’ une centrale nucléaire. Pour Un certain goût pour la mort, P.D. James avait choisi la sacristie d’ une église londonienne dans laquelle elle disposa les corps atrocement mutilés d’un clochard et d’un ancien ministre…
Le sang, la cruauté, la vérité des détails, l’horreur de la violence ne rebutaient pas cette dame très digne qui ressemblait davantage à une mamie des beaux quartiers qu’à un fonctionnaire de Scotland Yard: «Le meurtre est une chose que je serais tout à fait incapable de commettre. Mais je m’efforce, par un réalisme froid, de faire en sorte que le lecteur ressente l’ horreur du crime» aimait-elle à déclarer dans un grand sourire. Dans son dernier livre, paru en 2011, La Mort s’invite à Pemberley, la romancière anglaise faisait un clin d’œil à un autre monument de la littérature britannique, Jane Austen, imaginant une intrigue criminelle chez les héros d’Orgueil et préjugés. En France, ses livres sont publiés par Fayard.
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