Cet étrange objet nommé aquamanile (du latin aqua, « eau », et manus, « main ») était destiné à l’origine aux ablutions et se trouvait dans les sacristies. Les prêtres s’en servaient pour le lavement des mains avant et après l’office. Les artistes ont donné à cet objet liturgique des formes chimériques qui s’inspirent du répertoire symbolique religieux diffusé par l’Église catholique. La grande majorité des aquamaniles sont des créations fantasmatiques, où des êtres imaginaires portent une, ou plusieurs, têtes d’animaux – lion, chien, cheval – ou de sirène aux ailes d’oiseaux, mêlée parfois à des visages humains. Le modèle léonin connut un engouement particulier en Basse-Saxe au XIIe siècle. Les êtres hybrides et chimériques répondaient à l’esprit fantasque de l’homme du Moyen Âge. On les voit sur différents types de support : les textiles (tapisseries, aumônières), l’enluminure, la sculpture et le vitrail.
L’aquamanile du musée des Arts décoratifs en offre un modèle significatif et unique : un oiseau fantastique à figure humaine tient de ses deux bras très fins une sorte de goulot faisant office de prise d’air ; une seconde tête d’animal entre les deux pattes fait fonction de bec verseur. Les ailes et la queue de l’oiseau se recourbent pour former l’anse de l’aquamanile et supporter l’orifice à couvercle mobile dans lequel on versait l’eau. De telles œuvres proviennent pour la plupart des pays septentrionaux et plus précisément d’Allemagne, de la région mosane et des Pays-Bas. L’apogée de la production d’aquamaniles se situe aux XIIe et XIIIe siècles. Bien que l’aquamanile soit originellement un objet liturgique, il fut aussi utilisé dans les demeures privées. Son usage a complètement disparu à la Renaissance.