Le stylo plume connaît une chute des ventes sur les cinq dernières années, au profit de l’essor des feutres d’écriture et rollers effaçables. Vit-il ses dernières heures?(…)
Aujourd’hui, la catégorie est réduite à l’ombre d’elle-même. Le stylo à plume a quasiment disparu des rayons. Seuls subsistent quelques modèles, relativement sobres, réduits à leur rôle simple et basique “d’outil d’écriture”.(…)
“Ça fait quatre ans que les plumes sont en chute libre et il y a une très forte baisse depuis deux ans à peu près”, abonde Yann Lagrue, chef du pôle papeterie/maroquinerie chez Bureau Vallée. Une constatation confirmée par les chiffres de GfK: quelque 3,6 millions de stylos plume ont été vendus en 2017 contre près de 6 millions en 2013, soit une baisse de 38% en volume de ventes. (…)
Le stylo plume souffre d’une triple baisse, explique Antonin Albaret. Moins de magasins en proposent, moins d’articles sont vendus et moins de références différentes sont proposées.
S’il se fait de plus en plus rare dans les magasins, le stylo à plume n’a pourtant pas encore totalement disparu des salles de classe. Parfois il est exigé dans les listes de fournitures, mais les enseignants n’obligent pas à s’en servir. Parfois, il est en option, au bon vouloir des parents ou même du professeur. “Hormis dans certaines écoles privées, en règle générale on ne le voit quasiment plus sur les listes”, remarque Yann Lagrue.
Le stylo plume était autrefois un marqueur entre “l’ordre primaire” et “l’ordre secondaire”. “Tant que l’école était composée en ordres, on finissait la classe de fin d’études avec sa plume d’acier, c’était le passage obligé au stylo”, explique à BFMTV.com Brigitte Dancel, auparavant maître de conférences à l’université de Rouen et auteure du “Cahier d’élève: approche historique” et d'”Apprendre à écrire, quelle histoire!”.
“Le violet, la plume et le cahier du primaire le disputent au bleu, au stylo et à la copie du secondaire; ces nuances, en apparence mineures, soulignent la fracture des ordres scolaires”, note l’historienne des pratiques pédagogiques dans cet article publié en 2011 dans la revueCarrefours de l’éducation.
A la fin des années 1950, l’enseignement se structure progressivement en degrés (CM2, 6e, 5e, 4e, 3e…) et le rite de passage du stylo plume s’efface peu à peu. L’outil n’a d’ailleurs jamais fait l’objet d’une obligation, relève l’historien de l’éducation Claude Lelièvre auprès de BFMTV.com, “mais s’est imposé petit à petit et non sans résistance par l’usage”.
La chute du stylo à plume n’est pas compliquée à dater. Celui-ci cohabite plutôt bien, pendant plusieurs décennies, avec le stylo bille – officiellement admis à l’école en 1972. Pourtant, en 2007, la marque Pilot démocratise l’encre thermosensible avec sa gamme “Frixion” qui permet d’écrire, de gommer et de réécrire avec le même stylo.
“Il y a tout simplement un transfert d’achat d’une catégorie vers une autre”, constate Antonin Albaret. “Le roller effaçable remplace petit à petit le stylo plume. C’est une inversion totale”, soutient-il. Le consultant de GfK note aussi le succès des feutres d’écriture. “On a vraiment ce bloc rollers et feutres d’écriture qui remplace petit à petit la plume et le bille”, résume-t-il pour BFMTV.com.(…)
Le stylo plume est-il pour autant en train de vivre ses dernières heures? Non pour Julien Barabant, qui le voit encore comme “un cadeau classique, commun dans les usages et chez les Français”. Les marques encore présentes dans les rayons sont souvent les mêmes: Pilot, Waterman, Parker… Des présentoirs dédiés ont fait leur apparition dans certains magasins, avec des stylos pouvant atteindre plusieurs centaines d’euros.
“Aujourd’hui, le plume est plutôt tiré par des produits de marque à forte valeur ajoutée. On passe du primaire à l’étudiant, voire aux adultes”, confirme-t-on chez Bureau Vallée.
Le stylo plume retrouve ici son caractère de marqueur social, comme à l’époque du passage entre les ordres primaire et secondaire. “Ca devient un outil de sélection. Un adulte qui sort encore un stylo plume, c’est vraiment pour se distinguer”, relève Brigitte Dancel.(…)