Sarkozy déguise son retour forcé en un retour par devoir!

Il est revenu. Et déjà il a saturé durant toute une partie de la semaine l’espace politico-médiatique. Sarkozy pompe l’air de ses rivaux comme personne. « C’est l’espoir de la paix et c’est la France forte », chantait le poète. Une « France forte » que l’ancien président, qui n’est pas à une escroquerie politique près (voir son numéro de voltige sur le « mariage pour tous »), prétend incarner. Ou du moins en porter l’espérance. Pour la paix, en tout cas, c’est déjà raté. Le rassembleur autoproclamé de sa famille politique apparaît, après les duellistes fous Copé-Fillon, comme l’un de ses diviseurs les plus marquants.

A l’UMP, les rivaux de l’ancien président, en fait d’unité, s’organisent contre le retour de celui qui prétend venir relever leur parti en pleine déliquescence. Avant, bien sûr, de redresser la France. Dimanche, François Fillon déclarait, un peu avant la prestation télévisée de Nicolas Sarkozy : « Je n’ai pas le culte des sauveurs, mais celui des idées. La question n’est pas de savoir qui peut battre Hollande. A priori, tout le monde. » Même lui ?

L’ex-Premier ministre de Nicolas Sarkozy a aussi rappelé que le futur président de l’UMP devra gérer, outre la pénurie, « les conséquences des enquêtes judiciaires en cours ». Sous-entendu : ce n’est vraiment pas utile que l’ancien président de la République apporte en plus, au cœur de ce parti en quasi-faillite crapuleuse, ses propres et nombreux ennuis judiciaires. Huit à ce jour.

Après Fillon, Juppé, Bertrand…

Autre mécréant affirmé du culte sarkozyste : Alain Juppé ! Dimanche soir, le maire de Bordeaux, que les sondages présentent désormais comme un grand cru (trafiqué ?) pour 2017, dévoilait sur son blog l’ébauche d’une sorte de programme présidentiel, avec l’approbation de son compère Bayrou. L’un des adversaires irréductibles de Nicolas Sarkozy, dont il contribua à la défaite en 2012… Juppé, en veine d’impertinence, a aussi vertement répliqué à Nicolas Sarkozy qui avait méchamment ironisé sur son âge et sur sa condamnation pour les emplois fictifs à la mairie de Paris : « En matière d’ennuis judiciaires, mieux vaut ne pas se livrer à un match. » Ambiance.

De son côté Xavier Bertrand, ancien président de l’UMP et autre candidat déclaré à la primaire prévue pour 2016, va répétant que la politique de Nicolas Sarkozy, même avec des talonnettes, « n’a pas été à la hauteur de l’exigence de vérité et de résultat ». Il n’y a donc pas lieu d’en renouveler l’expérience.

Mariton, Le Maire et les autres !

Le « retour buldozzer » de l’ancien président de la République n’a pas non plus dissuadé ses deux concurrents pour la présidence de l’UMP, Hervé Mariton et Bruno Le Maire, de se présenter. Le Maire continue crânement d’affirmer : « J’ai beaucoup de soutiens et je vais battre Nicolas Sarkozy… » Hervé Mariton, tout aussi bravache, affiche la même volonté de résistance. Ni l’un ni l’autre ne possède, certes, la moindre chance de l’emporter. Toutefois, ils peuvent plus ou moins diminuer de façon significative le score espéré par Nicolas Sarkozy et le fragiliser ainsi pour la suite de son itinéraire.

La présidence de l’UMP ne constitue évidemment que la première étape de ce retour en politique. Une étape obligée par des circonstances malencontreuses. L’UMP saccagé de fond en comble par le combat de hooligans entre Copé et Fillon. Et ensuite financièrement ruiné par la gestion « bygmalionnesque » du même Copé. Une ruine dans laquelle Nicolas Sarkozy et sa dispendieuse campagne de 2012 portent sans doute une large part de responsabilité.

Ce parachutage en catastrophe sur un terrain ô combien chaotique et miné, l’ex-président y a été aussi contraint par les poursuites judiciaires dont il fait l’objet. Chef de l’opposition autoproclamé (à l’intérieur de l’UMPS uniquement), l’hyperconnecté Sarkozy pense probablement être mieux en mesure de se défendre en s’abritant derrière ce statut de chef de parti, qui lui offre aussi une place stratégique pour riposter.

Sarkozy déguise sans vergogne son retour forcé en un « retour par devoir ». Cela laisse sceptique une majorité de Français : 55 % d’entre eux n’y croient pas. Et même dans son camp, cette image si éloignée de la réalité fait ricaner. Ou sourire les plus indulgents. Le retour de « l’homme neuf » n’a pas vraiment fait dans l’opinion un effet bœuf.

Sarkozy réjouit les socialos

En tout cas, ce retour réjouit les socialistes. Pour qu’il se réalise, si Hollande avait eu la foi, il aurait sans doute fait brûler des cierges à sainte Rita, patronne des causes désespérées. En tapant sur cette cible facile, le PS va pouvoir faire diversion, distraire ses sympathisants et remobiliser ses militants. Et dire que François Hollande avait imprudemment (et brutalement ) répondu à un gamin qui lui demandait lors de son premier Salon de l’agriculture où était passé l’ancien président de la République : « Sarkozy ? Tu ne le reverras plus ! »

Sarko s’apprête à entreprendre une longue marche de 32 mois, peut-être avec des habits neufs (dont certains sentent très fort la naphtaline) mais aussi avec quelques cailloux dans ses chaussures. En tout cas, les Juppé, Fillon, Valls, Bayrou, ses concurrents les plus directs pour le grand prix de l’Elysée, se sont déjà alignés eux aussi sur la ligne de départ, à côté de lui. Le quinquennat aidant, la vie politique française est devenue un champ de course permanent. Avec ses écuries, ses canassons dopés aux sondages, ses casaques partisanes, ses parieurs survoltés, ses bookmakers louches et intéressés. Tout cela dans une fièvre politico-médiatique de tous les instants. La crise et ses conséquences ? Nos turfistes du suffrage universel ont bien d’autres chevaux à cravacher : priorité absolue au grand prix de l’Elysée. Une course où le cynisme et le narcissisme des uns le disputent à l’impéritie des autres, dans une totale désinvolture à l’égard d’un intérêt général constamment oublié, voire piétiné sous les sabots des pur-sang en lice.

La France en guerre

Une semaine également marquée par la retentissante colère des maraîchers bretons, dont le centre des impôts de Morlaix, incendié, ainsi qu’un bâtiment de la Mutualité sociale agricole, également parti en fumée, ont fait les frais. La colère monte en France. Elle flambe même parfois. Mais ses déflagrations encore isolées ont été recouvertes durant le week-end par le bruit factice du retour pourtant annoncé depuis longtemps du bruyant M. Sarkozy. Pour ce moment opportun, Hollande lui dit sans doute merci.

Même vendredi, les premières frappes sur l’Etat islamique se sont trouvées considérablement assourdies par le barouf médiatique de Nicolas Sarkozy. Les guéguerres intestines de la droite libérale autour de son « sauveur » contesté éclipsant les détonations de la France en guerre. Il aura fallu attendre la décapitation d’Hervé Gourdel pour que nos compatriotes prennent enfin conscience des réalités sanglantes du mot guerre. Une guerre déclenchée dans l’improvisation, selon l’habitude de ce gouvernement de gribouilles.

Intervenir pour combattre les djihadistes, qui mènent contre les occidentaux une guerre de plus en plus impitoyable, était sans doute inévitable. Mais quelle forme donner à cette intervention ? Hollande et ses ministres sont-ils prêts à accorder à notre armée tous les moyens, y compris financiers, pour qu’elle puisse mener ses missions jusqu’au bout, le plus efficacement possible ? Le gouvernement s’est-il préparé aux retours de flammes de ce conflit où il nous entraîne ? Le ratage loufoque des trois djihadistes « perdus » par la police française après leur expulsion de Turquie et qui se sont ensuite rendus de leur plein gré, narguant les autorités, n’est pas vraiment de nature à rassurer complètement les Français sur l’efficacité de l’actuel ministre de l’Intérieur.

Autre interrogation : aucun belligérant n’a jamais gagné une guerre avec sa seule aviation. Qui va intervenir sur le terrain ? L’armée irakienne ? Elle a prouvé une rare inefficience devant des djihadistes auxquels elle a abandonné sans combattre tout l’armement dont l’avaient dotée les Américains. L’armée de Bachar el-Assad ? C’est, certes, beaucoup plus sérieux. Mais il faudra que les occidentaux rompent avec les inhibitions du politiquement correct, se rabibochent avec Poutine et cessent de livrer des armes aux ennemis de Bachar. Un revirement diplomatique à cent degrés auquel Obama semble se préparer… Et Hollande le suiviste à manger son chapeau une fois de plus ?

Dégâts collatéraux

Nicolas Sarkozy effectuait jeudi à Lambersar (banlieue de Lille) son premier meeting, intitulé « Retour au peuple ». L’homme providentiel soutient toujours « le peuple » et, même lorsqu’il ne vénère que la « tune », se revendique de lui. Mais le fracas des bombardements en Irak et en Syrie a quelque peu assourdi les échos de ce « Retour au peuple » à moitié raté, relégué par la force des armes en quatrième ou cinquième page des journaux. Sarko, victime collatérale des bombardements de François Hollande ?

Dimanche 28 septembre, la semaine s’achèvera sur une élection sénatoriale au cours de laquelle la gauche devrait logiquement perdre sa présidence au Palais du Luxembourg. Et, surtout, le Front national y faire son entrée. Après les municipales et les européennes, le FN confirmera ainsi que le renouveau à droite, c’est lui, et pas une UMP en déconfiture politique, morale et économique. Trois faillites que Nicolas Sarkozy, et cela personne ne le lui conteste, incarne à lui seul.

Lu dans Présent

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