C’est le résultat d’un sondage, commandé par le Sénat sur l’image de l’audiovisuel public : les plus âgés des sondés étaient majoritairement capables de citer les chaînes publiques et les chaînes privées. Mais plus les personnes interrogées se situaient dans des tranches d’âge jeunes, et moins elles étaient capables de faire la distinction. Les 18-24 ans pensaient par exemple majoritairement que TF1 est une chaîne publique et que France 2 est une chaîne privée.
Quelle leçon tirer de ce sondage ? Que, par leur contenu, les chaînes publiques et les chaînes privées se confondent largement. Et vient alors à l’esprit, inévitablement, une seconde question : dans ce cas, à quoi servent les télévisions publiques ?
A rien de spécial, serait-on tenté de répondre, puisqu’apparemment de nombreux téléspectateurs croient discerner l’exécution d’une mission de service public dans les programmes de télés privées, tandis que le contenu des télés publiques peut sembler aussi généraliste, aussi tourné vers la distraction, vers le loisir, vers l’audimat, que celui de n’importe quelle télé privée.
La seule vraie différence reste le fait que la publicité est pratiquement absente des télévisions publiques, tandis qu’elle parsème les programmes du secteur privé. Mais cette différence n’est que la conséquence du fait que les chaînes publiques sont payées par nos impôts, tandis que les chaînes privées n’ont guère d’autres ressources que les écrans publicitaires. Mais nous sommes là sur les conséquences des deux statuts, non sur les spécificités attendues des uns et des autres.
Autre résultat intéressant (et inquiétant) du sondage : seuls 56% des téléspectateurs français ayant identifié clairement les chaînes publiques expriment leur satisfaction à l’égard des programmes proposés. C’est certes une majorité, mais il s’agit de l’un des pourcentages les plus faibles enregistrés en Europe. Dans la plupart des autres pays, l’indice de satisfaction est supérieur à 60% et peut aller jusqu’à 86% (Grande-Bretagne).
Ces chiffres montrent que les chaînes de service public ne se distinguent donc pas ou plus des autres, que leurs programmes ne sont pas meilleurs. Le sondage ne dégage d’ailleurs aucune majorité pour dire que les programmes du service public seraient meilleurs ; voire seulement, différents !
Fonctionnaires de l’audiovisuel
Ce qui est également mis en cause, dans ces chiffres, c’est le manque d’indépendance par rapport au pouvoir, ou tout au moins par rapport à ceux qui détiennent un pouvoir : ces « élites » qui nous tiennent et qui se tiennent entre elles. Guy Rouvrais avait raconté dans Présent du 20 juillet à quel point l’écart est énorme entre le poids de certains courants politiques, culturels et autres, dans la société (pour parler clairement : le courant national), et la place qui leur est laissée. De la part de médias privés, c’est un constat déjà désagréable (lors des présidentielles américaines, 4% des médias américains en faveur de Donald Trump). Mais quand il s’agit de médias qui ne vivent que de nos impôts, quand il s’agit de fonctionnaires de l’audiovisuel, cela devient franchement pénible.
Et le doute sur l’utilité d’un secteur public de l’audiovisuel finit par se transformer en rejet pur et simple. Comme le soi-disant « consentement devant l’impôt », le « consentement devant la pensée unique médiatique » s’est bel et bien évaporé.
Francis Bergeron – Présent