L’indice HPI…

L’« indice de planète heureuse » prétend mesurer la capacité des pays à prodiguer « des vies longues, heureuses et soutenables » à leur population.

Le Happy Planet Index (HPI), ou indice de planète heureuse, ça ne vous dit rien ? Moi non plus, jusqu’à un article peu critique récemment paru dans Pour la Science. Les termes employés incitent déjà à la méfiance. Cela renifle fort l’hypothèse Gaïa. Une planète (catégorie astronomique) heureuse, ça ne veut a priori rien dire. Voyons quand même cela de plus près.

Le HPI a été inventé par la New Economics Fondation, un think thank britannique qui œuvre pour promouvoir « la justice économique, sociale, et environnementale »… Tout un programme.

À l’échelle de chaque pays, le HPI mesure la capacité à prodiguer « des vies longues, heureuses et soutenables » à leur population. Le scepticisme grandit d’autant plus qu’on découvre la carte mondiale du « bonheur soutenable » :

Carte-mondiale-du-bonheur-soutenable-Credit-Happy-Planet-IndexCarte mondiale du bonheur soutenable – Credit Happy Planet Index

En vert , les meilleurs élèves, des pays d’Amérique latine plus le Vietnam, le champion étant le Costa Rica avec un HPI de 64. En rouge, la classe des cancres, dans laquelle les États-Unis côtoient la plupart des pays d’Afrique noire ou la Mongolie.

Encore n’en sommes-nous pas à bout de nos surprises : Haïti (HPI=41,3) nage dans le « bonheur soutenable », comparé au Luxembourg (HPI=29). Et figurez-vous que l’heureuse Palestine culmine à 51,2, faisant beaucoup mieux que la plupart des pays industrialisés…

La drôle d’équation du bonheur soutenable

On connaissait l’indice de développement humain (IDH), conçu par l’économiste indien Amartya Sen, prix « Nobel » d’économie, qui combine des indicateurs tels que le revenu par tête, l’espérance de vie, et l’accès à l’éducation. Au-delà, il y a toutes les statistiques économiques et sociales disponibles qui permettent de se faire une idée des conditions de vie d’une population donnée. Mais vouloir calculer un indice synthétique de bonheur est a priori une gageure. La New Economics Fondation aurait-elle vraiment réussi ce défi ?

Comment des pays en bas du classement du point de vue de l’IDH peuvent-ils être devant les pays les plus développés en matière de « bonheur soutenable » ? Réponse : parce que dans le bonheur soutenable, il y a soutenable, le mot fourre-tout de l’idéologie écologiste. « Les résultats de l’indice [HPI] permettent de classer les pays en fonction de leur efficience, combien de vies longues et heureuses chacun produit par unité d’output environnemental [sic !] ».

Il est temps de voir ce qu’il y a derrière ce charabia. On passera sur les petites subtilités de la cuisine mathématique1 qui rebuteront plus d’un lecteur, et qui ont surtout le mérite de faire passer ces sornettes pour un travail d’analyse sérieux. Le HPI est calculé à partir de trois indicateurs. En gros,

HPI = (Bien-être vécu x Espérance de vie) / Empreinte Écologique

Le HPI comporte donc un seul indicateur à la fois objectif et incontestable dans son calcul, l’espérance de vie.

Le bien-être vécu ? « Si vous voulez vraiment savoir comment vont les gens, le mieux est de leur demander directement. » La New Economics Fondation utilise donc un sondage international de l’institut Gallup qui demande dans chaque pays aux sondés de classer leur satisfaction de vie sur une échelle de 0 à 10. Si sur le principe, demander aux gens paraît une bonne idée, les réponses d’un Suédois, d’un Coréen et d’un Malgache sont-elles directement commensurables ? Si l’on prend en compte le niveau très proche du bien-être exprimé par les Mexicains et celui des Américains, comment expliquer qu’il y ait plus de 11 millions d’immigrés mexicains aux États-Unis, dont 3 à 4 millions illégaux ? C’est un autre élément de scepticisme.

Mais c’est évidemment la dernière variable qui attire le plus notre attention : la fameuse empreinte écologique, escroquerie intellectuelle promue par le WWF et le Global Footprint Network (GFN).

L’exemple éloquent d’Haïti

Du coup, on peut comprendre ce qu’entend le think thank écolo par « efficience d’un pays », et par les vies longues et heureuses par « unité d’output environnemental ». Et on comprend mieux l’étonnante performance de Haïti, l’un des pays les plus pauvres : certes, un Haïtien vit en moyenne 18 ans de moins qu’un Luxembourgeois, n’affiche pas un bien-être particulièrement ostentatoire (3,8/10 contre 7,1/10 pour le Luxembourgeois ), mais il a le bon goût de ne consommer que 0,6 « hectare global/par tête »2, contre 10,7 hectares pour l’habitant du Grand Duché. Du coup, la planète est « heureuse » en Haïti, pensez-vous !

Le cas particulier d’Haïti, qui a perdu la quasi-totalité de sa couverture forestière au cours du siècle dernier au prix de conséquences désastreuses, illustre encore un peu plus l’ineptie de cette approche de la « soutenabilité » à travers la fumeuse empreinte écologique. Si la « planète», à en croire la New Economics Fondation, n’est pas loin d’exulter à Haïti, ça n’est pas parce que l’environnement et les ressources y sont gérés de manière durable, mais parce que les Haïtiens sont très pauvres. Du coup, leur activité n’affole pas les compteurs truqués du WWF & GFN.

On voit mal, une fois cet indice HPI décortiqué, quel rapport il peut avoir avec « la justice économique, sociale, et environnementale » revendiquée par l’ONG. Mais on voit mieux quelle idéologie le sous-tend. Quant à sa valeur informative, elle est sans doute proche de celui concocté par le régime Nord-Coréen.

Post Scriptum : le Bhoutan, pays du « Bonheur National Brut », n’apparaît pas dans le classement du HPI. Pays arriéré et Régime (jusqu’à présent) rétrograde célébré dans l’effroyable film de propagande de Marie-Monique Robin, et diffusé par Arte. Sans doute parce qu’on est si heureux dans ce pays que l’échelle qui sert à mesurer le bonheur des autres pays est trop petite. On ne mesure pas la distance de la Terre au soleil avec une règle d’écolier.

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