Il est agité en classe, à la limite de l’insolence, dérange les cours. Il doit apprendre à respecter les autres. Il faut dire que ses parents l’ont quand même un peu cherché: ils l’ont baptisé Timeo. C’était tenter le diable. Timeo Fleury.
Ce n’est guère mieux pour Maïa Kovasky. Certes, Maïa ne dérange personne, mais ce n’est pas l’élève brillante, loin de là. Plutôt celle à qui le professeur a du mal à trouver des qualités et essaye de le dire sans être trop blessant. « Des difficultés, mais ne pas se décourager ». Un autre ajoute: « Les efforts payent ». Pas fameux. On se doute que la petite Maïa n’intégrera pas une prestigieuse classe prépa. On lui pressent une destinée besogneuse, sans gloire ni éclat.
Heureusement, les professeurs ont de quoi trouver réconfort et gratification chez certains élèves de cette 5°A.
Avec Samia, tout d’abord, qui fournit un travail sérieux et très approfondi. Un seul petit bémol : on l’encourage à participer davantage en classe car ses interventions sont rares mais « toujours pertinentes« . Sa timidité est son seul défaut. On sent là l’élève à encourager, à valoriser. Elle est de la trempe de ceux qui pourraient prendre brillamment la relève des générations précédentes.
Et enfin, last but not least, la crème de la crème: Youssouf, pour qui les éloges ne tarissent pas: « Excellent trimestre » en mathématiques. « Travail soigné, élève impliqué« .
C’est avec ces bulletins fictifs que, dans son manuel d’Enseignement Moral et Civique à l’usage des classes de 5°, l’éditeur Nathan illustre le chapitre consacré à la figure et au rôle du délégué de classe dont le titre nous dit, en caractères gras, qu’il doit être un élève engagé. Engagé, impliqué…Tiens?! …Comme Youssouf donc.
Quels choix a fait l’éditeur?
– Un seul élève au nom français de souche. Minoritaire dans sa classe, dans son quartier, voire dans sa ville. Demain peut-être, dans son pays. Une descendante d’émigrés polonais francisée. Enfin des immigrés plus récents, des néo-Français, en qui la patrie peut placer toutes ses espérances, Samia la maghrébine et Youssouf l’Africain. Vous pourriez me rétorquer que Youssouf est peut-être Antillais et donc Français de souche. Oui, mais, les Antillais ne s’appellent pas Youssouf.
– Le Gaulois se fait rare et c’est tant mieux; c’est un fauteur de troubles, l’immigrée assimilée, une cruche. Les néo-Français, la jeunesse en qui la Nation peut placer toutes ses espérances.
Certes, il y a bien des classes où les Gaulois sont minoritaires. Celle dans laquelle se tient mon bureau de vote par exemple, où parmi les Mohammed, Aïcha et autres Nordine, les seuls noms français sur les étiquettes des porte-manteaux étaient Kevin et Rihanna. Si minoritaires même que l’Education Nationale est obligée d’éduquer nos enfants à ce fait. Et là-dessus, on peut dire que l’éditeur colle au plus près de la réalité.
Pour le reste, le parti pris est évident. Il y a bien sûr des Timeo perturbateurs, des Maïa médiocres, des Samia timides et des Youssouf médailles Fields en puissance. Mais disons-le franchement, bien plus souvent l’inverse. Un Youssouf insolent, une Samia médiocre, une Maïa discrète et un Timeo excellent sont-ils inenvisageables dans ce manuel scolaire? Si le choix rédactionnel avait été animé par le seul désir louable de ménager les susceptibilités, on pouvait s’y prendre autrement : Youssouf » bon en maths mais mauvais en Anglais », ou Timeo « pertinent en Histoire-Geo mais trop bavard en Français » par exemple.
Nathan a préféré, selon les mots si justes d’Alain Finkielkraut, remplacer l’école des savoirs par la thérapie du mensonge. Il a préféré caricaturer la réalité, stigmatiser les Français-Gaulois et assimilés, et leur renvoyer une image négative d’eux-mêmes.
L’enseignement de l’Education Civique en 5° a comme objectif » d’amener l’élève à se confronter à la diversité humaine et à reconnaître l’altérité.
On peut dire que là, Nathan a outrepassé sa mission. Le message plus ou moins subliminal du manuel est pervers : ce n’est pas l’altérité que les petits Français de souche de 5° découvrent. Ils y découvrent leur infériorité atavique et leur future extinction, et sont tout naturellement et par voie de conséquence, invités à prendre Samia et Youssouf pour modèles. Mieux encore, à les choisir comme leaders.
Et, à l’inverse, comme le Gaulois est un petit Attila et l’immigrée assimilée une Bécassine, pourquoi les immigrés plus récents auraient-ils envie de les considérer comme leurs alter ego?
Sommés de s’ouvrir à l’altérité, les lointains autochtones se doivent donc au plus vite, de renier leur identité ethnique et culturelle, de se soumettre aux chances pour la France, fine fleur et avenir de la Nation.
Monique Bousquet – Riposte Laïque
P.S 1: Dans les années 80, le même éditeur, dans un manuel d’Histoire de 5°, parlait du Christianisme au passé. Je laisse à votre sagacité le soin de deviner de quelle religion ce même éditeur parlait en termes actuels et dithyrambiques.
PS2. Faites réciter les leçons de votre progéniture. Pour qu’ils aient des bonnes notes, certes. Pour remettre les pendules à l’heure, surtout.