Penser le baptême de Clovis avec les catégories qui sont les nôtres et voir dans cet épisode la naissance d’une France tout entière catholique dès le VIe siècle, c’est commettre un anachronisme majeur. En 496, aucune nation n’émerge des ruines de la romanité, et la conversion du roi et de sa garde personnelle n’entraîne pas celle d’une Gaule qui reste pour longtemps religieusement et ethniquement bigarrée, et dépasse largement le cadre de la France actuelle.
Le baptême de Reims est néanmoins capital parce qu’il met un terme à un siècle de désordres et d’invasions, alors que l’unité romaine est rompue. En faisant le choix du catholicisme qui prend la suite de l’universalisme romain, en faisant fusionner les coutumes barbares et le droit romain, Clovis combat les particularismes et permet l’intégration, à égalité, des nouveaux venus.
Tout inachevée qu’elle fût à sa mort (511), son œuvre fut décisive. Et, s’il fallut après lui des siècles pour parfaire, non sans rechutes, sa construction politique, c’est bien de lui que procède la physionomie de l’Europe aujourd’hui.
Né en 1934, Michel Rouche est professeur émérite d’histoire médiévale à la Sorbonne, spécialiste du Haut Moyen Âge et de l’Antiquité. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, notamment, Les Empires universels, IIe-IVe siècles (Larousse, 2001), Les Racines de l’Europe : Les sociétés du Haut Moyen Âge, 568-888 (Fayard, 2003), Attila, La violence nomade (Fayard, 2009).