“La culture du sang, de la tuerie, des pillages”!

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Monseigneur Nicodemus Daoud Sharaf, évêque syriaque de Mossoul, exilé au Kurdistan : Nous, chrétiens syriaques, n’avons pas cette culture de massacre, de tuerie et de pillage. Les autres ont une telle culture.”

Mgr Sharaf est venu pour quelques jours en France en ce mois de mai 2016, son séjour a été organisé par SOS Chrétiens d’Orient et nous avons pu le rencontrer. Evêque syriaque orthodoxe de Mossoul, en Irak, il a quitté la ville en juin 2014 et vit actuellement près d’Erbil, dans le Kurdistan.

— Monseigneur, vous avez été le dernier archevêque à quitter Mossoul en juin 2014. Des chrétiens sont-ils restés sur place ? Savez-vous ce qu’ils sont devenus ?

— Aucun chrétien n’est resté sur place à Mossoul ou dans la plaine de Ninive après mon départ. Souvenez-vous de la parole de Jésus dans l’Evangile, de la différence entre le mercenaire et le berger : celui-ci n’abandonne pas ses brebis. Mais 37 chrétiennes avaient été prises en otage par l’Etat islamique et, aujourd’hui, nous n’en avons toujours aucune nouvelle. La plus jeune avait trois ans, elle doit en avoir cinq maintenant. Son père est aveugle, elle a été littéralement arrachée des bras de sa mère…

— Dans quelles conditions vivent les chrétiens réfugiés à Erbil ?

— Ils vivent dans une condition misérable : imaginez un père, une mère et leurs enfants vivant dans une même chambre durant deux ans. Quelle peut être leur vie ? Mille familles vivent actuellement dans des caravanes, et partagent tous les jours la même cuisine, la même salle de bains… Cela crée forcément des problèmes au sein des familles ou entre elles.

— A quelle époque remonte l’origine de l’Eglise syriaque ?

— L’église syriaque date du Ier siècle après J.-C. Nous avons même une église Saint-Thomas d’origine perse, devenue église chrétienne avant même la fin du Ier siècle. Des chrétiens vivent en Irak depuis les tout premiers siècles. Nous sommes catastrophés d’avoir perdu, durant cette guerre, des manuscrits de cette époque, qui n’existaient bien sûr qu’en exemplaire unique, en langue syriaque (ou araméenne).

— L’Eglise syriaque a-t-elle déjà connu semblables persécutions au cours de sa longue histoire ?

— Depuis le début de la chrétienté, nous subissons des persécutions. Jésus-Christ ne nous a-t-il pas prévenus ? « Vous n’êtes pas de ce monde, et le monde vous persécutera à cause de moi. » Mais nous croyons aussi en ses paroles lorsqu’il dit : « J’ai vaincu le monde. »

Nous connaissons aujourd’hui un phénomène tout nouveau : lors des précédentes persécutions, on ne prétendait pas vivre au temps de la démocratie et des droits de l’homme. Lorsque, il y a 100 ans, les Turcs ont tué 1 500 000 Arméniens et plus de 650 000 Syriaques, internet n’existait pas. Aujourd’hui, le monde entier assiste à un nouveau génocide et reste indifférent : c’est une honte !

— Les chrétiens d’Irak sont-ils ébranlés dans leur foi à cause des épreuves subies ou sont-ils, au contraire, affermis dans cette foi ?

— Vous ne pouvez imaginer à quel point cette foi a augmenté. Nous sommes fiers que Daesch ait réussi à nous prendre tout, sauf notre foi en Dieu. J’ai eu l’occasion, il y a peu, de rencontrer à Rome un cardinal catholique qui me disait être très préoccupé de l’affaiblissement de la foi en Occident. Que feriez-vous si pareille chose vous arrivait (je prie pour que cela ne soit pas) : imaginez des gens armés qui viennent vous ordonner de changer de religion ou de tout abandonner. Que feriez-vous ? Seriez-vous assez forts pour supporter l’épreuve ?

— Quels responsables religieux ou politiques allez-vous rencontrer en France ? Que voulez-vous leur dire ?

— Les responsables de SOS Chrétiens d’Orient se sont chargés de mon programme. Je me suis rendu notamment à l’Assemblée et au Sénat, j’ai évoqué toutes les souffrances que subissent les Irakiens. J’ai déclaré : « Cela fait deux ans que nous parlons et faisons passer un message au monde entier. Aujourd’hui, nous attendons une réponse : sauvez-nous ! »

— Quels sont vos sentiments vis-à-vis de la France ?

— SOS Chrétiens d’Orient nous donne une très belle image de la France, mais cette image n’est pas celle du gouvernement français, elle est celle du peuple français, qui envoie ses jeunes aider des populations dans le besoin. A travers votre journal Présent, je souhaite remercier SOS Chrétiens d’Orient et tous ceux qui soutiennent l’association, car elle donne une belle image du vrai chrétien et d’une France respectable.

Nous espérions du gouvernement français qu’il soutiendrait les minorités, qu’il adopterait une meilleure politique envers les chrétiens d’Irak. On parle beaucoup de démocratie, or un des points les plus importants de la démocratie est le respect et la préservation des minorités. Cela me peine de me considérer comme représentant une minorité en Irak, car nous sommes le vrai peuple d’Irak, à qui la terre appartient. Il est horrible de passer du statut de propriétaire à celui de peuple minoritaire, qui se retrouve « réfugié » dans son propre pays.

— Vous continuez à témoigner, envers et contre tout ?

— Je continuerai inlassablement, malgré les menaces. Il vaudrait mieux pour les Occidentaux qu’ils tiennent compte de l’expérience que nous vivons.

— Quand comptez-vous rentrer à Mossoul ?

— Quand une loi nous préservera et que je saurai mon peuple, mes fidèles et notre dignité en sécurité à Mossoul. Sans cette condition, je n’y retournerai pas.

— Quelles sont vos armes face aux kalachnikovs de vos ennemis ?

— [Montrant l’une et l’autre] La croix et le stylo, nous n’avons pas d’autres armes.

SOS chrétiens d’Orient, chèques à l’ordre de SOS Chrétiens d’Orient 16 avenue Trudaine, 75 009 Paris.

Lu sur Présent

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