Saint Thomas d’Aquin propose cinq remèdes à la tristesse d’une surprenante efficacité.
Le premier remède réside dans tout plaisir. Comme si le théologien d’il y a 700 ans avait pressenti l’idée, aujourd’hui amplement répandue, que le chocolat a des effets antidépresseurs. Même si cette perspective peut paraître matérialiste, il est évident qu’une bière fera oublier une journée d’amertumes. Ce matérialisme est loin d’être incompatible avec l’Évangile : le Seigneur a participé à des déjeuners et banquets, avant et après sa résurrection, et apprécié nombre de belles choses de la vie. Un psaume affirme d’ailleurs que le bon vin réjouit le cœur de l’homme (précisons que la Bible condamne fermement l’ébriété).
Le deuxième remède proposé par saint Thomas consiste à pleurer. Pour surmonter la mélancolie, il faut un exutoire, sinon l’amertume s’accumule, entravant toutes les actions. Pleurer est un langage, un moyen de s’exprimer et de dénouer une douleur devenue parfois suffocante. Jésus a pleuré, Lui aussi. Et le pape François observe que « certaines réalités de la vie ne sont visibles qu’une fois nos yeux lavés par les larmes. Je vous enjoins tous à vous demander : ai-je appris à pleurer ? ».
Le troisième remède est la compassion de nos amis. Dans le roman d’Alessandro Manzoni Les fiancés, l’ami de Renzo lui raconte les drames ayant frappé sa famille : « Ce sont des choses affreuses, inimaginables, capables de nous priver de toute joie de vivre pour le restant de nos jours ; pourtant, en parler entre amis, c’est un soulagement ». Lorsque le moral n’est pas au beau fixe, un message, une conversation téléphonique avec un ami sont utiles pour que tout s’éclaircisse.
Le quatrième remède à la tristesse est de contempler la vérité, le fulgor veritatis qu’évoque saint Augustin. Contempler la splendeur des choses, la nature, une œuvre d’art, écouter de la musique, se surprendre de la beauté d’un paysage peuvent être des baumes particulièrement efficaces contre la tristesse. Un critique littéraire, invité d’une conférence sur Tolkien après un deuil, observait : « Parler de belles choses, devant une audience intéressée, fut un véritable soulagement ».
Le cinquième remède est le plus surprenant venant d’un maître du Moyen Âge. Le théologien affirme que dormir et faire sa toilette sont d’excellents remèdes à la tristesse. Concevoir qu’un soulagement corporel est utile pour remédier à un mal spirituel est profondément chrétien. Depuis que Dieu est devenu homme, occupant un corps, la séparation entre matière et esprit n’existe plus.
Un préjugé diffus veut que la vision chrétienne de l’homme soit fondée sur l’opposition entre l’âme et le corps, le corps tel un fardeau ou obstacle à la « vie spirituelle ». L’humanisme chrétien considère que l’individu (âme et corps) est « spiritualisé » lorsqu’il cherche l’union avec Dieu. Pour citer saint Paul, il existe un corps animal et un corps spirituel, et nous ne mourrons pas mais serons tous transformés, car il faut que ce corps corruptible se vêtisse d’incorruptibilité et que ce corps mortel se vêtisse d’immortalité.
Saint Thomas More, paraphrasant son homonyme médiéval, estime qu’il est naturel de choisir un médecin du corps pour une maladie spirituelle, tout comme il est opportun de recourir à un médecin de l’âme dans les maladies du corps. Une fois le corps et l’âme unis en une seule personne, l’un a systématiquement des répercussions sur l’autre et ils ne peuvent être soignés séparément.
C’est la promesse humaine et divine de Jésus qui se réalise aussi à travers ces cinq remèdes : vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie.