INTERVIEW EXCLUSIVE. L’ingénieur du CNRS Paolo Vannucci, auteur d’un rapport classé “confidentiel défense” en 2016 sur les risques d’incendie dans la cathédrale Notre-Dame de Paris, répond aux questions de Batiactusur les effets destructeurs du sinistre du 15 avril 2019 et sur les possibilités de reconstruction de l’édifice gothique.

Batiactu : Vous ne pouvez pas vous exprimer sur les causes de l’incendie de Notre-Dame de Paris puisque l’enquête est en cours, mais quel est votre sentiment actuel ?
Paolo Vannucci : L’accident est probablement lié aux travaux. L’élément déclencheur je ne le connais pas mais l’incendie dans les combles a eu des effets catastrophiques dont l’effondrement de grandes parties de la voûte. Nous avions mis en évidence ces risques à l’époque, en 2016. Plus récemment, nous avons publié un autre article, cette fois sur la résistance au vent de Notre-Dame de Paris. Mais aujourd’hui, sa structure est changée, puisque la charpente a disparu, ainsi qu’une partie des voûtes. Aussi nous nous interrogeons sur les effets d’une exposition à des vents violents. Le modèle numérique a été mis à jour afin de procéder à des simulations, même s’il est difficile de connaître l’état exact de matériaux qui ne sont pas homogènes.
Batiactu : Et quelles sont les premières conclusions de ces calculs ?
Paolo Vannucci : Il y a une importante perte de résistance au vent, de l’ordre de 60 %. La vitesse des vents critiques que la cathédrale pouvait supporter avant un effondrement des voûtes était de 222 km/h avant l’incendie. Elle n’est plus que de 90 km/h aujourd’hui ! Il existe bien sûr des incertitudes sur ces données, mais Notre-Dame a réellement perdu de sa capacité de résistance. Et cette situation va perdurer pendant les semaines ou les mois qui viennent. Les voûtes ont été exposées à des hautes températures, et les pierres et mortiers ont subi des dommages. La résistance en compression a été amoindrie. Des tests devront être réalisés pour savoir s’il est possible de seulement restaurer ces voûtes ou s’il faut les reconstruire entièrement. (…)

Batiactu : Les chantiers de reconstruction de ces monuments peuvent-ils servir d’exemple ?
Paolo Vannucci : A Chartres, la charpente a été reconstruite en acier, car c’était le matériau à la mode au milieu du 19e siècle. A Reims, c’est du béton armé qui a été choisi, là aussi parce que le matériau était en vogue au 20e siècle. Pour Notre-Dame de Paris, il faudra tout d’abord observer la charte internationale de Venise (1964) sur la conservation et la restauration des monuments historiques, qui oblige à reconstruire à l’identique. Il faudra ensuite suivre la mode du moment, qui se trouve être la construction écologique en bois. Ce qui colle bien avec la cathédrale. Il n’y a pas, pour moi, de raison structurelle à changer de matériau. La charpente en bois s’est bien comportée pendant huit siècles. Et il existe encore des cathédrales gothiques avec charpente d’origine. (…)

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