Le désir de célébrité est devenu, pour certains, plus qu’un simple passe-temps : un véritable mode de vie. Et c’est ainsi que Jawad Bendaoud, le fameux « logeur de Daech », vient de faire son grand retour sous les feux de la rampe ; enfin, ceux du tribunal de Bobigny, pour être plus précis.
Et c’est en artiste désormais bien rodé qu’il est venu présenter son nouveau spectacle devant un public déjà conquis d’avance. Le synopsis tient en peu de lignes, s’agissant de menaces de mort à l’encontre de son ancienne compagne, avec laquelle il a eu un fils. Comment se fait-ce ? « Elle était jalouse de mon buzz », affirme le prévenu, devenu, on l’a vu, une véritable star, se vantant des « dix-sept femmes » tombées dans ses bras depuis sa libération, après vingt-sept mois d’isolement : « Je fais quatre-vingt mille vues sur Snapchat par jour, l’équivalent du Stade de France plein. » Effectivement, voilà qui force le respect. Respect dont le président du tribunal paraît fort économe, à tel point que Jawad Bendaoud est plusieurs fois obligé de le ramener à un peu de décence et de tenue : « Hey, Monsieur le Juge, vous écoutez ou pas ? »
En 2015, déjà, peu de temps avant son arrestation, à la suite des attentats du Bataclan, il a déjà l’occasion de s’expliquer devant la Justice de sa conception toute personnelle des transports amoureux, accusé d’avoir poussé sa petite amie sur le sol et de lui avoir assené un violent coup de tête. Il assume, alors, le coup de boule, tout en affirmant n’avoir jamais frappé une femme de sa vie. C’était donc une première. Comme au cinéma, on vous dit.
Au fait, pourquoi de tels emportements ? Il ne faut pas aller en chercher la raison bien loin. Jawad Bendaoud est un gros sentimental doublé d’un grand jaloux. Devant le juge, il exhibe le nom de sa douce, tatoué sur le thorax – les preuves d’amour valent parfois plus que l’amour, dit-on –, mais s’inquiète encore qu’elle puisse persister à refuser les tests ADN qui permettraient de savoir s’il est bel et bien le père de leur enfant. Affres de la paternité… c’est beau comme du théâtre antique.
Ce qui l’est un peu moins, c’est lorsqu’il tombe sur une vidéo dans laquelle sa chère et tendre est en train de faire la bête à deux dos sur le tapis du salon. Et Jawad Bendaoud, en fin moraliste qu’il est, de considérer : « Elle peut faire ce qu’elle veut de son c… Mais pas jouir dans la pièce à côté de mon fils ! » Il est un fait que, la chose vue sous cet angle… D’où cet énervement passager et cette vingtaine de SMS dans lesquels il la menace donc, non seulement de mort, mais encore de « lui arracher les yeux », de la « brûler vive » ou de lui « mettre cent coups de couteau ». « Je crois que j’ai pété un plomb », admet-il. Sans blague ?
Alors, de dix mois de prison dont quatre avec sursis requis, la peine sera de seulement six mois avec sursis. Pourquoi ce happy end ? Tout simplement parce que la victime a retiré sa plainte, à la fois dans « un souci d’apaisement », mais aussi parce que « terrorisée par ce qui pourrait se passer ensuite ». La prison pour son Roméo ? Ou la crainte de retrouvailles plus ou moins chaleureuses avec ce dernier ? L’histoire ne le dit pas, même si, comme souvent, il doit bien y avoir un peu des deux, sachant que les grands artistes sont parfois imprévisibles.
En attendant, il a été prestement conseillé au bourreau des cœurs de se trouver un travail. D’où cette réplique finale, sûrement destinée à se trouver un jour gravée dans le marbre de la postérité : « Eh, Monsieur le Juge, les trois cents euros que je gagne tous les jours avec les trucs sur Snap, c’est comme si j’avais un travail ? » Rendez-vous dans pas longtemps à Cannes ? Il paraît que, dans le cinéma, c’est à tour de bras qu’on embauche les bons dialoguistes.
Nicolas Gauthier – Boulevard Voltaire