La vente de douze sous-marins à l’Australie est une grande et très bonne nouvelle pour le commerce extérieur français. C’est bien mieux pour le Président qu’un petit colloque entre quelques vieux gabiers et jeunes mousses de la barque rose, dans un amphi poussiéreux.
Il n’est guère douteux que la qualité de l’offre résulte d’un savoir-faire qui doit beaucoup à un corps d’ingénieurs étatiques et civils – résultat de la volonté d’indépendance du général de Gaulle – en parfaite synergie, car issus des mêmes grandes écoles, dont Polytechnique en particulier. Parfois même, cette « complicité » a joué un peu trop aux dépens de la réelle demande opérationnelle des utilisateurs, en promouvant des systèmes sophistiqués et donc avec des coûts et délais de développement élevés. La « revanche » pour un matériel en avance sur le besoin et sur son temps est de trouver son marché avec effet différé. Exemple le Rafale.
À ce propos, je me permets de rappeler les nombreuses déconvenues faisant suite à des contrats à l’exportation pour ce bel avion. Annoncés fièrement et triomphalement avec une anticipation parfois puérile, ignorant les dangereux labyrinthes des négociations, leur non-réalisation a jeté un discrédit sur la parole officielle tout en plongeant les bénéficiaires présumés dans la plus profonde déception !
Quitte à jouer les pisse-froid, je rappelle que ce nouveau et méga-contrat de 34 milliards n’est pas signé ! La proposition française a été retenue contre les concurrents et annoncée officiellement par le Premier ministre australien. La suite reste à la négociation qui va être menée et qui durera plusieurs mois. Ce délai est justifié par le montant des enjeux financiers, les incontournables transferts de technologies, voire des compensations économiques, la formation des personnels et le service d’après-vente, ceci pour une très longue durée. Le ministre de la Défense Le Drian le déclare lui-même en précisant que nous sommes « mariés pour 50 ans » avec l’Australie…
Mais, pourrait-on se demander, pour quel besoin une telle acquisition par ce pays excentré et très loin des turbulences et dangers que connaît le monde actuellement ?
Immense continent aussi grand que l’Europe de Brest à l’Oural mais faiblement peuplé de seulement 25 millions d’habitants, l’Australie est un acteur vigilant et partie prenante de ce qui se passe et se projette dans la partie méridionale du monde. La Chine, puissance militaire émergente, manifeste des intentions dominantes et revendications de plus en plus appuyées dans les eaux de la mer éponyme qui la borde. De nombreux points de conflits potentiels l’opposent à la plupart des pays riverains. En outre, les mêmes revendications ont créé entre certains de ces pays l’éventualité d’hostilités larvées ou déclarées.
La nouvelle importance géostratégique de la région n’échappe pas aux grands acteurs mondiaux et c’est bien pourquoi les USA balancent leurs efforts et déploiements de forces maritimes vers celle-ci.
Le sous-marin est un témoin particulièrement discret et efficace des déplacements et opérations en surface. Au besoin, il peut devenir un acteur défensif. La dimension de l’espace maritime qui borde le continent australien justifie à elle seule l’importance d’une telle flotte.