Pendant que nous nous chamaillons sur des broutilles, genre « Qui va présider la France pendant les cinq prochaines années ? » ou encore « Où aura lieu le prochain attentat islamiste ? », certains, eux, pensent. Ils pensent même très fort au devenir de cette humanité et de sa composante principale : l’être humain. La question posée est : « Que faire du corps après la mort ? »
Depuis la nuit des temps, l’homme y a apporté une réponse toute simple : on l’enfouit dans le sol. Les premières traces d’inhumation remontent à 450.000 ans, sans que l’on sache bien si, à la Sima de los Huesos (Espagne), il s’agissait d’un rite funéraire ou d’un sacrifice. À partir de 100.000 ans, on est certain qu’il s’agit d’enterrements volontaires. Depuis ces temps reculés, le culte des morts et la mémoire de leur lieu d’ensevelissement sont ancrés dans les gènes de l’homme. Puis ont suivi les crémations, dont la plus ancienne, à ce jour, serait celle de la femme de Lungo (Australie) remontant à 40.000 ans.
Tout ceci est périmé, trompette une bande d’illuminés : c’est ringard, polluant, coûteux et pas du tout écolo. Ils ont LA solution.
Mémé vient de passer de vie à trépas. On lui enlève ses vêtements et ses bijoux, puis on la roule dans un linceul biodégradable. Dans un lieu ad hoc, joliment nommé « Jardin-Forêt de la Métamorphose », on dépose le corps sur un talus composé de bois d’élagage et de lignite, mélange auquel on aura pris soin d’ajouter un « accélérateur de décomposition ». On recouvre le tout d’une couche de paille et de feuilles mortes. On laisse mijoter quelques mois. Le moment venu, on s’aperçoit que les bactéries ont transformé le corps en bouillie. Ah ! Sacré Lavoisier : « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme. » Il ne reste plus qu’à ramasser le mélange, qui devient un humus épatant. Un corps moyen donne 1,5 m3 de compost. Les promoteurs, qui ne sont pas des sauvages, ont bon cœur : « Si les proches le souhaitent, ils pourront récupérer un seau de ce “super-compost” qui sentira bon la terre des sous-bois. » J’en salive à l’avance.
Nos thanatofoldingues ont tout prévu : en compostant Mémé, vous évitez plein de frais (préparation du corps, cercueil, caveau, pierre tombale, cérémonie) ; vous voilà riche et, avec ce magot, vous pouvez financer la plantation d’un arbre ; ainsi, vous compensez d’un coup les rejets de CO2 que Mémé a malencontreusement laissé échapper pendant sa vie.
Et les branques de conclure : « C’est un processus de remise à la terre doux, respectueux de la personne [!] et durable. » On peine à voir comment le fait de transformer nos défunts en compost respecte la personne ! Ce processus s’appelle l’humusation et dispose d’un site Internet dédié.
J’aimerais avoir mon mot à dire lorsque le promoteur de cette brillante idée viendra à défunter. Sur son tumulus provisoire, je planterai, de mes deniers, un chêne, uniquement parce que ça donne des glands : il ne sera pas dépaysé !
Yannik Chauvin – Boulevard Voltaire