Déni des droits des handicapés!

L’association Handi-Gnez-Vous ! a envoyé la lettre ci-dessous aux députés français.

 

Madame la députée,
Monsieur le Député du Lot-et-Garonne,

Vous examinerez prochainement à l’Assemblée le projet de loi de santé 2015.

Nos associations respectives Handicaps & Scolarité, Parents en Colère et Handi-Gnez-Vous ! tiennent à vous faire part de leur plus vive inquiétude à la lecture de l’amendement n°AS1488 et nous vous demandons instamment de bien vouloir voter contre cet amendement.

En effet, celui-ci, s’il était voté, signerait un déni des droits des personnes handicapées quant à leur choix de vie, en permettant que l’orientation de celles-ci ne soient plus fondée ni sur la demande des personnes handicapées, ni sur les réponses à apporter à leurs besoins de compensation.

Ce texte irait à l’encontre même de nos valeurs républicaines, du sens de la loi du 11 février 2005 et des conventions internationales des droits des personnes handicapées et celle des enfants pourtant ratifiée par la France.

La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, dans un souci de non discrimination, prévoit l’accès à tout pour tous, le droit à la compensation des conséquences de son handicap afin de garantir à chaque personne en situation de handicap une place dans notre société. Cette loi à crée les Maisons Départementales des Personnes Handicapées (MDPH), guichet unique pour tout ce qui concerne le handicap (ouverture de droit à la compensation et orientation vers les établissements médico-sociaux à la demande des personnes handicapées ou de leurs représentants légaux pour les mineurs).

1 – Cet amendement prévoit, en réponse au rapport “zéro sans solution” qui fait état des personnes handicapées “sans solution”, en raison d’une inadéquation entre l’offre de places et les orientations prononcées, un organe d’orientation permanent supplémentaire.

Or, ces “groupes opérationnels de synthèse” ne sont en réalité que le nouveau nom donné au groupe “situations critiques”, créées fin 2013 afin de résoudre les situations les plus complexes (personnes handicapées sans solution) qui se sont d’ailleurs révélés incapables de remplir leur mission. Il est donc illusoire de croire qu’en changeant simplement de nom, ces “groupes opérationnels de synthèse”, trouveraient des solutions quand à la mise en adéquation de l’offre avec la demande.
Cette mise en adéquation nécessiterait à minima que la création de place se fasse par rapport aux statistiques de la MDPH (prévues par la loi mais jamais réalisées) sur le nombre de personnes handicapées en demande d’orientation.

2 – Cet amendement prévoit que la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) pourra lorsqu’elle instruit le dossier d’une personne, réunir un “groupe opérationnel de synthèse” pour proposer un “Plan d’accompagnement global à la CDAPH” (Commission des Droits et de l’autonomie des Personnes Handicapés décidant des prestations attribuées aux personnes handicapées, des aménagements et des modalités de scolarisation ainsi que leurs orientations en établissement ou service médico-social).

Ce groupe inclurait notamment des gestionnaires d’établissements et services notamment sanitaires, sociaux, médico-sociaux et éducatifs. Par ailleurs, cet amendement précise que la CDAPH pourra réviser toutes orientations dés lors que:
l’état ou la situation de la personne évoluent
ou que les ressources mobilisables évoluent ?
ou à la demande de l’adulte handicapé ou de son représentant légal, des parents ou du représentant légal de l’enfant ou de l’adolescent handicapé
ou à la demande de l’établissement ou du service ?
ou à la demande du groupe opérationnel de synthèse ?
Elle y procède en tout état de cause au minimum une fois par an.

En d’autres termes, il ne s’agit pas d’un nouvel organe pour traiter des “dossiers sans solutions” mais bien d’un nouvel organe d’orientation permanent qui pourrait être saisi à la demande de la MDPH, pour n’importe quel dossier, par n’importe qui, n’importe quand, pour orienter n’importe où.

Une notification de décision ouvrant des droits (compensation, orientation…) émise par la CDAPH suite à une demande de la personne handicapée qui s’impose à l’établissement en charge de la mettre en œuvre pourrait se voir remise en cause par n’importe quel professionnel, pour n’importe quel motif n’importe quand. Et ce au vu de faire établir par des professionnels, en fonction des moyens mobilisables, un plan global d’accompagnement qui se substituerait au Plan Personnalisé de Compensation préalablement établi par la MDPH, élaboré sur la base du projet de vie de la personne et de l’évaluation des besoins de compensation qui en découlent.
En tout état de cause, une orientation devrait être revue toutes les années.
Est-il bien nécessaire quand on connaît le retard des MDPH dans le traitement des dossiers (jusqu’à 18 mois pour obtenir une réponse), d’inventer des procédures inutiles et supplémentaires, d’empiler les dispositifs qui ne servent à rien au mieux qu’à perdre l’usager dans un obscurantisme administratif ?

La France a 40 ans de retard en matière de handicap, il est peut-être temps d’arrêter de reculer. 5 fois condamnée par le Conseil de l’Europe pour manquement à ses obligations de scolarisation, faisant l’objet d’un rapport édifiant du Rapport du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, utilisée comme exemple dans les conférences de l’ONU pour ce qu’il ne faut pas faire.

A l’heure des grands débats sur le “savoir vivre ensemble”, il faudra se rappeler que les Personnes handicapées ne sont pas des sous-citoyens mais, des Personnes à part entière, dotées de la capacité de faire des choix et de s’inclure dans notre société pour peu que notre société ne les considèrent comme des “objets” que l’on pourrait “ranger” ici ou là, en fonction de la place que nous voudrions bien leur accorder.

Pour toutes ces raisons, nous espérons que vous rejetterez l’amendement AS 1488.

Dans cette attente, nous vous prions d’agréer, Mesdames et Messieurs les députés, nos meilleures salutations.

Cette lettre est signée par Nathalie Calonne, présidente de l’Association Parents en colère 77, Céline Boussie, présidente de l’association Handi’Gnez-Vous ! et Sylvie Moscillo, présidente de Handicaps et Scolarité 44.

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