Corse: l’Inrap vient de mettre au jour un sanctuaire dédié au dieu Mithra! (Vidéo)

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Une équipe de l’Inrap vient de mettre au jour un sanctuaire dédié au dieu Mithra sur le site de Mariana, à Lucciana (Haute-Corse). L’opération, autorisée par le Préfet de Corse, est placée sous le contrôle scientifique de la Drac de Corse (service déconcentré du ministère de la Culture et de la Communication) en liaison avec la commission territoriale de la recherche archéologique sud-est.

D’après Sénèque et Pline, Mariana est une colonie de citoyens romains, fondée vers 100 avant notre ère par Caius Marius, général, consul et grand réformateur de l’armée romaine, après sa retentissante victoire sur les peuples Cimbres et Teutons. Elle s’inscrit dans une stratégie militaire à l’échelle de la mer Tyrrhénienne. À son apogée, vers le IIIe ou le IVe siècle, Mariana, une petite agglomération ne dépassant guère dix hectares, est organisée en une vingtaine d’îlots. Son port participe activement aux échanges commerciaux en Méditerranée. La fouille archéologique met au jour un quartier périphérique de la Mariana antique.

LE MITHRÆUM DE LUCCIANA
C’est la première fois en Corse qu’un mithræum est identifié. Ce sanctuaire se compose de plusieurs espaces caractéristiques des mithræa dont une salle de culte et son antichambre. La salle d’assemblée, rectangulaire (11x 5 m), est constituée d’un couloir central sur-creusé, bordé de deux longues banquettes de 1,80 m de largeur, limitées par un muret soigneusement enduit à la chaux. En vis-à-vis, deux niches voûtées en briques sont aménagées dans l’épaisseur des banquettes. L’une d’elles contenait encore trois lampes à huile intactes.

À l’extrémité du couloir devait se dresser le bas-relief de marbre représentant Mithra, coiffé de son bonnet phrygien et sacrifiant un taureau. Trois fragments de ce bas-relief brisé ont été retrouvés à ce jour par les archéologues. Y figurent un chien et un serpent buvant le sang s’écoulant de la gorge entaillée de l’animal immolé, alors qu’un scorpion lui pince les testicules. Sur la droite, un personnage est représenté tenant une torche : le « dadophore » symbolisant le soleil couchant ou la mort. D’autres éléments en marbre ont été exhumés, dont une tête de femme. Deux clochettes en bronze, de nombreuses lampes brisées et des pots à pâte fine pourraient relever d’un mobilier liturgique. Une plaque de bronze et une autre de plomb portent des inscriptions qui restent à déchiffrer.

LE MITHRAÏSME, UN CULTE CONCURRENT DU CHRISTIANISME
Peu de choses sont connues de ce culte monothéiste à mystères. En l’absence de documentation écrite explicite, la connaissance repose principalement sur l’étude de ses sanctuaires et des représentations peintes ou sculptées qu’ils renferment.

D’origine indo-iranienne, le mithraïsme est probablement introduit dans l’Empire par les militaires romains et les marchands orientaux. Il s’y diffuse à la fin du Ier siècle. Ce culte initiatique, réservé aux hommes, séduit d’abord les élites puis touche toutes les couches de la société. Une centaine de mithræa sont connus dans l’ensemble de l’Empire, dont à Rome et à Ostie. En France, Bordeaux, Strasbourg, Biesheim et Septeuil, en possèdent. En 2010, l’Inrap mettait au jour un tel sanctuaire à Angers. Il avait révélé un bas-relief, des dédicaces au dieu Mithra et un important mobilier.

Alors concurrent du christianisme, le mithraïsme est fortement combattu puis interdit par l’empereur Théodose en 392. Le sanctuaire porte des traces de destruction dès l’Antiquité : autel dédié au dieu brisé, édifice détruit et comblé de gravats. Les causes exactes de cette destruction restent inconnues, toutefois il faut noter qu’un vaste complexe paléochrétien avec basilique et baptistère est édifié vers 400 à Mariana, constituant les premières traces du christianisme en Corse.

Aujourd’hui, un vaste programme de valorisation de la cité romaine de Mariana, est engagé par la commune de Lucciana. Il comprend la construction d’un musée de site (financement État, collectivité territoriale de Corse, conseil général de la Haute-Corse, principauté de Monaco et commune de Lucciana) et l’aménagement d’un parc archéologique de plusieurs hectares.

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Mithra est un dieu étranger à la péninsule italienne, cependant les Romains, en particuliers les soldats, l’ont vénéré au point que certains empereurs souhaitaient en faire le dieu de l’Empire.

Mithra est une divinité indo-aryenne qui apparaît dès le XIVe siècle avant notre ère dans les textes mitanniens et qu’on retrouve dans le Veda, où elle occupe une place importante, qu’elle perdra au cours de l’évolution de la religion indienne vers le brahmanisme. (Son nom sanskrit signifie « traité ».)

Dans l’Avesta, livre religieux des anciens Perses, Mithra apparaît associé à Varuna et à Ahura-Mazdâ (Ormuzd), la divinité suprême. Il y est lié à la lumière et au Soleil, qui est son « œil », et au taureau, le sacrifice du taureau — principe fécondateur de la terre — par Mithra se retrouvant dans les Veda.

Mithra a dégagé sa personnalité du panthéon indo-aryen primitif, et il semble, selon Franz Cumont, que ce soient les « mages hellénisés (prêtres persans du mazdéisme) qui ont créé en Asie Mineure le culte à mystère de Mithra. On offrait alors à celui-ci des sacrifices, et, lors de ces Mithrakana, le 2 octobre au début de l’hiver, le roi exécutait des danses et s’enivrait en l’honneur du dieu.

Le secret du mystère laisse pour nous dans l’ombre de nombreux aspects des cérémonies et de l’enseignement. Comme tous les cultes à mystère, l’initiation assurait aux fidèles la vie éternelle après une régénérescence.
Il y avait une période de noviciat, pendant laquelle on enseignait quelques éléments du culte, puis venait l’initiation, qui comprenait diverses épreuves et le taurobole, sacrifice du taureau au-dessus de l’initié, qui recevait le baptême du sang régénérateur. «

On connaît assez mal les divers rites, mais nous savons qu’on faisait des offrandes au dieu et qu’on participait à des banquets rituels. Les initiés étaient en général des hommes, mais il semble que certaines communautés aient accepté des femmes.

On a accusé les mithraïstes de pratiquer des sacrifices humains, mais il est démontré qu’il n’en fut rien et que cette religion présentait sans nul doute une haute tenue morale.

Ce culte, répandu dans toute l’Asie Mineure, était particulièrement cher aux pirates de la Cilicie, qui, selon l’historien grec Appien, auraient été initiés à ses mystères par les fugitifs de l’armée de Mithridate VI Eupator, roi du Pont, vaincu par les Romains en 87-86 avant notre ère. C’est au cours des expéditions que Pompée mena contre eux (66 avant notre ère) que les Romains connurent le culte de Mithra.

Bien que ce fait historique soit rapporté par Plutarque dans sa vie de Pompée, ce n’est qu’à la fin du Ier siècle de notre ère qu’apparaissent les premiers témoignages d’un culte de Mithra en Italie. C’est aussi vers cette époque que les cultes orientaux vont pénétrer dans l’Occident romain. Pendant le IIe siècle, le mithraïsme, colporté à travers tout l’Empire romain par les marchands et les soldats, se développe et gagne même les empereurs.

Au début du siècle suivant, sous le règne de Septime Sévère, un mithraeum est construit sur l’Aventin, dans ce qui fut la villa de Trajan. Pendant encore près de deux siècles, le mithraïsme continue de s’affirmer, soutenu par les empereurs, notamment Aurélien, puis Julien l’Apostat, qui identifie Mithra au Soleil et à Apollon, et cherche à en faire le dieu de l’Empire. Cependant, le christianisme reste le vainqueur dans la lutte menée contre cette puissante religion, et les lois promulguées par Théodose Ier en 391-392 interdisent tous les cultes païens, dont celui de Mithra.

Le culte avait lieu dans des chapelles, qu’on préférait si possible à demi souterraines pour imiter les grottes où était originellement vénéré le dieu. Le sanctuaire était en général précédé d’un « pronaos » où l’on conservait les objets du culte et où l’on revêtait les habits rituels; il était lui-même constitué par un couloir central et deux banquettes latérales. Au fond, contre la paroi ou dans une niche était placé le relief du dieu, coiffé du bonnet phrygien, égorgeant le taureau. Les cérémonies du culte se déroulaient dans le couloir central, et les fidèles étaient couchés sur des coussins disposés sur les banquettes.

Des peintures pouvaient orner les parois latérales et le plafond. De nombreux sanctuaires ont été retrouvés à Londres, à Mérida, à Deutsch-Altenburg (Autriche), dans les Balkans et surtout dans les ports, comme Ostie, et à Rome.

Le dieu est représenté entouré d’autres divinités (le Soleil, la Lune, les « Cautès » — personnifiant l’aurore et le lever du Soleil —, les « Cautopates » — personnifiant le crépuscule et le coucher du Soleil — Saturne, Eon [l’Eternité]) et d’objets ou d’animaux symboliques (torches, arcs et flèches, coqs, lions, chiens, taureaux…).

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