Pour assouvir sa soif de vengeance, il n’est pas forcément besoin de publier un livre. A ceux qui n’ont pas la chance d’avoir une maison d’éditions à leurs côtés, la vie a donné une arme peut-être plus efficace encore: un accès à Internet. Piratage de compte Facebook, publication de messages haineux sur les réseaux sociaux, envoi de colis piégés… Les pratiques plus ou moins sympathiques se sont multipliées ces dernières années sur le Web. Logiquement, les condamnations aussi.
La rupture amoureuse n’étant pas un délit, la justice se montre en effet impassible au sujet de ce qu’elles considèrent comme des actes violents. Les affaires de revenge porn en France l’ont montré. A Metz, en avril 2014, un homme de 35 ans a écopé de douze mois d’emprisonnement avec sursis et 5.000 euros de dommages et intérêts après avoir diffusé sur Facebook, un Skyblog et des sites de rencontre des photos porno de son ancienne compagne ainsi que son adresse. Une décision que le tribunal correctionnel avait alors justifiée par «l’atteinte à la vie privée de la jeune femme», selon l’avocat du prévenu, Me Mehdi Adjemi.
Plus classique, la publication de messages haineux sur le Web n’en est pas moins répréhensible. «Celui qui s’y risque peut être condamné à 12.000 d’amende pour injure ou diffamation, stipule la loi du 29 juillet 1881», précise Me Arnaud Dimeglio, avocat spécialiste des nouvelles technologies. Quant au piratage de compte Facebook ou de boîte mail, il coûte encore plus cher. «Dans le Code pénal, cela tombe sous le coup de la disposition sur l’accès et le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, mais aussi de celle sur l’usurpation d’identité», indique Me Dimeglio. La justice se réfère alors à la peine encourue la plus lourde: deux ans de prison et 30.000 euros d’amende pour tout individu s’introduisant dans les données d’un tiers.
Créer un faux compte sur un réseau social ou un site est considéré, cette fois, comme atteinte à la vie privée et usurpation d’identité. En janvier, un ingénieur a ainsi été condamné en appel par le tribunal correctionnel de Montbéliard à quatre mois de prison avec sursis, à une amende de 1.000 euros et à indemniser la victime à hauteur de 2.500 euros. Son tort? Avoir créé deux faux comptes Facebook avec le nom et la photo d’une enseignante rencontrée via le site Meetic et qui l’avait éconduit.
Le Web débordant d’idées, des sites sont aussi apparus pour proposer aux Monte-Cristo modernes de se venger en envoyant des colis piégés à un ennemi. Gentiment méchant, Ship Your Enemies Glitter invite ainsi ses clients à expédier à leurs adversaires des enveloppes remplies de paillettes. Mais d’autres sont plus agressifs, comme Shit Express, qui permet de faire livrer à un destinataire de son choix une boîte contenant des excréments animaliers. Un envoi qui peut être considéré comme une «violence», selon Me Dimeglio, qui estime que l’affaire peut se plaider au civil afin d’obtenir des dommages et intérêts.
Me Gérard Haas, avocat spécialisé dans le droit d’Internet, se montre toutefois circonspect. ShitExpress, basé à Hong Kong, garantit en effet un solide anonymat à ses clients, qui peuvent régler leur achat en monnaie virtuelle. «Ce serait un véritable parcours du combattant que de poursuivre ce genre de sites, d’autant qu’ils apparaissent et disparaissent très vite, estime Me Haas. Il faudrait d’abord faire tomber les masques.» Car sur le Web comme ailleurs, la règle est la même: pas vu, pas pris.