Il fait froid. Et pourtant nos ministres doivent se déshabiller, à en friser l’indécence. En déclarant leur patrimoine financier. D’un nécessaire contrôle de l’argent public, nous sommes tombés dans un voyeurisme outrancier. Bien sûr, les Français rigolent bien en voyant le père-la-morale-écologique Hulot se faire pincer avec ses nombreux véhicules à essence. Mais honnêtement, à quoi bon savoir que tel ou tel ministre possède une maison de vacances en Savoie ou en bord de mer, un studio à Bobigny (non, ça c’est rare) ou à Paris, et une Renault Mégane de 2003 !
Et pourquoi s’offusquer que certains possèdent un patrimoine financier relativement important ? Par exemple, à en croire les mauvaises langues, le ministre de la Culture, Françoise Nyssen, serait richissime. Après quarante de carrière professionnelle, il est au contraire rassurant de voir que l’on peut encore, en France, garder un bas de laine. Qui plus est, madame le ministre est héritière de l’entreprise de son père, la maison d’édition Actes Sud, qu’elle a, nonobstant une ligne éditoriale discutable, visiblement bien gérée. Qui pourrait le lui reprocher ?
En revanche, la fin de l’année approchant, l’heure est au bilan. Quelles actions pour le patrimoine, culturel celui-là ? Cela aurait pu être pire. Déjà, on peut saluer la nomination de Stéphane Bern comme « monsieur patrimoine ». Evidemment, l’animateur a commis des bévues, comme le fameux droit d’entrée pour les cathédrales. Ce n’est pas très malin. Mais Stéphane Bern est un vrai amoureux du patrimoine et son action ne peut être que bénéfique, ne serait-ce qu’en médiatisant un secteur souvent oublié ou alors seulement pieusement étudié dans des laboratoires de recherche à l’université.
Par ailleurs, les budgets alloués à la restauration du patrimoine ne devraient pas baisser : on annonce 326 millions d’euros annuels, soit une hausse de 5 %. Avec un fonds spécifique pour le patrimoine des petites et moyennes communes. Son idée du Loto du patrimoine n’est pas sans intérêt. Pourquoi pas ? L’idée serait d’allouer un tirage du Loto à la protection et la restauration du patrimoine – il faut savoir qu’un vendredi 13, dix millions de personnes parient.
C’est bien ? Oui, mais c’est insuffisant, largement. Regardons de plus près : le budget du ministère de la Culture s’élève à 10 milliards d’euros ou presque. La restauration du patrimoine ne compte donc que pour 3,25 % de ce budget. Au lieu de prévoir une fête de la musique dans les écoles (et une fête de la musique tout court, qui est devenue une vaste foire) et un pass’ culture voué à l’échec, augmentons le budget patrimoine, en plus c’est lui qui attire les touristes étrangers…
Soyons sérieux, 326 millions, c’est très peu. Pour la seule catégorie « patrimoine religieux », la Fondation du patrimoine recense 1 906 projets, soit hypothétiquement 170 000 euros par projet. Sachant que restaurer une église de village peut coûter plus d’un million d’euros…
Avec ça, dans nos églises, il fera toujours froid.