Par Françis Bergeron
Ouf ! Le dernier “Blake et Mortimer” est excellent!
Après la déconvenue du calamiteux dernier album des aventures de Lefranc, on pouvait craindre le pire avec Le Bâton de Plutarque, 23e album de la série « Blake et Mortimer ». D’autant que la critique avait été plutôt bonne. Quand un film, une pièce, un livre, un album de bandes dessinées, est largement encensé, on ne peut s’empêcher d’éprouver un sentiment de suspicion. Pour une fois, ce sentiment n’était pas justifié.
Le récit, très habilement construit, prend place juste avant la toute première des aventures imaginées par Edgar P. Jacobs : Le Secret de l’Espadon. Dans Le Secret de l’Espadon, les héros affrontaient un Empire jaune ressemblant furieusement à la Chine maoïste de la fin des années quarante. D’ailleurs, les ennemis se reconnaissaient à l’étoile rouge qui ornait leurs uniformes et les véhicules militaires.
Cette troisième guerre mondiale, dans laquelle nous plongeaient Jacobs et son ami Van Melkebeke, co-scénariste du récit, était l’histoire exaltante d’une résistance, britannique, d’abord, puis internationale, contre cet Empire du mal, une croisade contre le bolchevisme, en somme. Il faut dire que, si Jacobs avait des opinions très anticommunistes, Van Melkebeke, lui, éprouvait une haine absolue à l’égard du bolchevisme, ce qui lui avait d’ailleurs valu d’être emprisonné à la fin de la guerre. Jacobs a raconté que c’est Van Melkebeke qui lui avait servi de modèle pour le personnage de Philip Mortimer. Par le biais de la bande dessinée, dans les pages du journal Tintin, Jacobs et Van Melkebeke pouvaient ainsi se faire plaisir, en terrassant un communisme alors en pleine expansion.
Avec Le Bâton de Plutarque, nous sommes en 1944, et la Seconde Guerre mondiale n’est pas finie. Mortimer, le savant, et Blake, le militaire, en patriotes impeccables, se battent pour l’Angleterre. « God save the King ! » crie le capitaine Blake en lançant son avion contre une aile volante allemande qui menace Londres.
Mais très vite nos héros découvrent, alors que la guerre s’achève, qu’un troisième conflit mondial est en train de naître, à l’initiative de l’Empire jaune et du traître Olrik. Les adeptes du dictateur totalitaire Basam-Damdu (sorte de Mao-Tsé-Toung en moins bouffi) ont infiltré l’armée britannique et s’efforcent d’affaiblir l’Occident. Il se prépare déjà une agression contre le monde libre, dès que l’Allemagne aura été vaincue. Lancer une attaque préventive ? Un ministre britannique s’y oppose (page 63 du récit) : « Si nous attaquions l’Empire jaune les premiers, ces cochons de communistes en profiteraient pour se mettre de leur côté pour tenter de nous éliminer. Et serions-nous en mesure de nous battre sur les deux fronts ? »
Mais à la dernière page du Bâton de Plutarque (le titre fait référence à une méthode de transmission de messages secrets), on comprend que l’Empire jaune, lui, est désormais sur le point d’attaquer. La suite, donc, dans Le Secret de l’Espadon, – publié en fait pour la première fois il y a plus de 60 ans… – que nous sommes alors invités à relire (avec toujours le même plaisir).
Le Bâton de Plutarque, Ed. Blake et Mortimer, 2014.