En grandissant, les enfants développent une préférence marquée pour l’une de leurs mains quand ils veulent accomplir certaines tâches, en particulier pour écrire ou dessiner. L’enfant devient droitier, gaucher ou ambidextre à peu près à l’âge où le langage est considéré comme acquis – vers quatre ans –, et cela reste une de ses caractéristiques à vie.(…) Les scientifiques pensent que ce fonctionnement latéralisé du cerveau sert à éviter que les deux hémisphères entrent en compétition, puisqu’un seul des hémisphères contrôle tel mouvement. Mais cela permet aussi à des processus aussi différents que le langage et l’attention de se lancer en parallèle dans les deux hémisphères.
Chez la plupart des gens, c’est l’hémisphère gauche qui contrôle le langage. Et c’est la même région de l’hémisphère gauche qui contrôle les mouvements des mains. C’est pour cela que presque tous les humains (environ 90 %) sont droitiers quand ils utilisent des outils ou qu’ils font des gestes. (…) Les scientifiques de la première moitié du XXe siècle considéraient le fait d’être gaucher comme une anomalie et l’associaient à une série de dysfonctionnements – déficits de langage, maladies mentales. De fait, de nombreux gauchers nés à cette époque étaient forcés d’écrire avec leur main droite, dans l’espoir de les « convertir » en droitiers. Aujourd’hui, nous savons que le fait d’être droitier ou gaucher n’est pas une caractéristique binaire (d’un côté, les gauchers, de l’autre les droitiers), mais qu’il existe une sorte de graduation, du gaucher absolu au droitier absolu, avec une foule de degrés entre les deux. (…)
Les recherches les plus récentes montrent que les enfants qui sont « franchement » gauchers ou droitiers ont une bonne latéralisation cérébrale et n’ont aucune difficulté avec le langage. En revanche, les enfants ambidextres (c’est-à-dire ceux qui utilisent indifféremment les 2 mains pour écrire) se heurtent à plus de difficultés dans le développement du langage et de la motricité.
Les ambidextres représentent 3 à 4 % de la population générale. Chez les enfants souffrant de troubles du spectre de l’autisme (TSA), ce chiffre atteint 17 à 47 %. Les enfants souffrant de TSA commencent à rencontrer des difficultés motrices dès l’âge de 7 mois. Cela tend à prouver que ce type de troubles peut être détecté très tôt chez l’enfant, et qu’ils peuvent avoir des répercussions sur des fonctions cognitives aussi importantes que le langage.(…)
La préférence manuelle est un exemple parmi d’autres de latéralité sensori-motrice chez l’humain. Par exemple, la plupart des gens utilisent leur hémisphère droit quand ils doivent réagir à un danger. Cela signifie que nous reconnaissons plus facilement les expressions et les visages menaçants quand ils apparaissent dans notre champ visuel gauche plutôt que dans notre champ visuel droit. Une série d’expériences classiques montre ainsi que les adultes reconnaissent plus facilement les émotions négatives sur des photos de visages quand elles leur sont présentées par la gauche plutôt que par la droite.
En cartographiant les chemins de développement des biais sensori-moteurs et des facultés cognitives chez les enfants, nous comprenons de mieux en mieux les relations entre l’organisation du cerveau, les fonctions cérébrales, et le comportement.