« La Cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue. » Nous la connaissons tous, bien entendu, cette fable. C’est la toute première de l’œuvre magistrale de Jean de La Fontaine (1621-1695). Un monument de la littérature française, avec un style vigoureux, non dénué d’humour et des « morales » tout à fait actuelles. La Fontaine croque les travers de l’être humain et de la société avec un certain plaisir, qui peut certes parfois tirer vers le rire jaune, notamment dans les derniers livres. Il est aussi l’auteur de contes beaucoup moins honnêtes, plus ou moins censurés pour leur caractère passablement licencieux, de pièces de théâtre tombées dans l’oubli et de compositions poétiques « circonstanciées », dédiées notamment à son premier protecteur, Nicolas Fouquet.
La Fontaine est né à Château-Thierry, dans le sud de l’actuel département de l’Aisne. Naguère petite ville tranquille de province, aujourd’hui quasi banlieue parisienne, à moins d’une heure d’un parc d’attractions d’origine américaine qui fait aussi parler les animaux, notamment une souris et un canard. Mais les morales ne sont pas vraiment les mêmes. Triste ironie de l’histoire…
Au cœur de la ville, dans une rue étroite bordée de maisons anciennes, se dresse la maison natale du poète. C’est un bel hôtel particulier du XVIIe siècle tout en sobriété et en retenue. Une demeure convenant tout à fait à un Maître des Eaux et Forêts, charge hérité de son père. Le fabuliste gardera la propriété jusqu’en 1676, date à laquelle il est obligé de la transmettre à son cousin – on peut être bien introduit à la cour et avoir des « finances trouées ».
Une belle grille en fer forgée accueille le visiteur. Il se trouve alors dans la cour et a devant lui la façade du bâtiment récemment restaurée (cela se voit – il y a un même un aspect un peu trop neuf – la patine du temps lui donnera davantage de charme dans quelques années, laissons le temps au temps). Dans les différentes pièces accessibles au public, de nombreux objets rappellent la vie du poète et son œuvre. Des portraits du maître des lieux (en peintures ou en sculptures), des documents historiques (acte de baptême, manuscrits, lettres, premières éditions…).
Et puis, il y a les fables : depuis leur parution, elles ont toujours stimulé la créativité de nombreux artistes. On ne compte pas les grands artistes ayant croqué avec une délectation certaine les aventures du loup, de l’agneau, de la cigogne et autres pots de fer, des illustrateurs pour enfants aux « grands peintres » (Oudry, Chagall), sans oublier des peintres du XIXe siècle, moins connus certes, mais tout aussi talentueux : Alexandre Descamps, Jules Coignet…
Le bâtiment conserve enfin des œuvres d’artistes régionaux : portraits, scènes naturalistes venant compléter avantageusement l’ensemble.
Une belle manière d’éduquer les plus petits au beau, au bon et au vrai ; et un retour à l’enfance pour les plus grands. Plongez donc dans le monde de la Fontaine… et oubliez le reste.