Il allait fêter, en novembre prochain, son 95e anniversaire. Henri de Turenne a rejoint dans l’éternité son héros de père, le marquis Armand de Turenne (1891-1980) qui avait, lors de la Première Guerre mondiale, officiellement abattu 15 avions. Ce qui lui avait valu son statut d’as de l’aviation.
Au gré des déplacements de sa famille (son père finira colonel de l’armée de l’air), Henri de Turenne grandit entre la France, l’Allemagne et l’Algérie. Le goût des voyages, l’exemple paternel ainsi que la volonté inextinguible de faire comprendre le monde à ses contemporains le poussent très tôt vers le journalisme, en particulier celui des journalistes correspondants de guerre, dans la veine des Robert Capa, Albert Londres, Joseph Kessel, Jean Lacouture, etc. C’est à l’AFP qu’il fait ses premières armes. Il couvre la guerre de Corée (1950-1953) pour cette agence ainsi que pour Le Figaro. Ses reportages, sous le titre « Retour de Corée », lui valent le prestigieux prix Albert-Londres en 1952. Comme son père, il voit la guerre et la mort de près. « Ici, on sait qu’on arrive sur le front quand on vous tire dessus […] La guerre fait ressortir le pire et le meilleur dans l’homme. C’est l’épreuve suprême », témoigne-t-il devant les caméras de l’émission « Géopolis » sur France 2 en 2013, avouant humblement « avoir eu la trouille » et « ne pas aimer ça ».
Après ses années AFP, il rejoint le plus grand quotidien de l’époque, France Soir, alors dirigé par le grand Pierre Lazareff (1907-1972). Le quotidien tire alors à plus d’un million d’exemplaires. Il y reste douze ans et décide d’en partir après un incident d’apparence anodine : alors qu’il est à Djibouti, dont les velléités d’indépendance vont croissant, Henri de Turenne qui dicte son papier au téléphone, se voit sommé, par un secrétaire de rédaction, de « faire court, parce que demain, y a tiercé ».
C’est en rejoignant l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) que le journaliste va se faire connaître du grand public qu’il aime tant et à qui il souhaite apporter sa connaissance historique du monde. « Pour moi, la télévision, c’était atteindre le plus grand nombre. Mieux informer les gens pour les rendre plus tolérants », disait-il souvent. Il fait ses premiers pas au son et à l’image avec un reportage de 26 minutes consacré à Harlem et diffusé dans l’émission « Cinq colonnes à la une », produite par Pierre Desgraupes, Pierre Dumayet et Pierre Lazareff.
Puis, avec Jean-Louis Guillaud et l’aide de Daniel Costelle, Henri de Turenne se lance dans de vastes fresques historiques ayant trait à la Seconde Guerre mondiale, aux grandes batailles. Au total, il réalise plus d’une centaine de documentaires. Sa série sur la guerre du Vietnam (six volets de 60 minutes, de l’Indochine française à la chute de Saïgon sous contrôle américain), produite avec Channel 4 en Angleterre et une chaîne de Boston aux États-Unis, lui vaut un Emmy Award au début des années 80. Il obtient même un 7 d’or avec Michel Deutsch pour la série de fiction « Les Alsaciens ou les deux Mathilde ». S’il regrettait que le « journalisme n[e soit] plus ce qu’il était », il considérait que « les journalistes sont toujours les fous du roi ». Avec lui disparaît une grande partie et une grande figure de la presse française.