Le 26 août 1966, le président ou raïs égyptien Gamal Abdel-Nasser fait pendre Sayyid Qotb (ou Saïd Qutb), l’idéologue des Frères musulmans. C’est la rupture entre les jeunes officiers qui ont détrôné la monarchie en 1952 et la confrérie intégriste qui leur a apporté son soutien. Celle-ci ne va plus dès lors cesser de s’opposer à l’armée et aux dirigeants qu’elle place à la tête de l’Égypte.
La naissance de l’islam politique
Précurseur des mouvements islamistes de la fin du XXe siècle, la confrérie des Frères musulmans est fondée en mars 1928, à Ismaïlia, par un instituteur du nom de Hassan Al-Banna, 26 ans, (futur grand-père de Tariq Ramadam NDLR). Il ambitionne d’instaurer dans les États arabes un régime théocratique fondé sur le Coran et la shari’a (la loi islamique). Il se donne pour mission préalable de convertir les masses musulmanes au mode de vie et aux principes moraux des premiers croyants, tels qu’il se les imagine.
Ces ancêtres («salaf» en arabe) sont les disciples de Mahomet et les croyants des deux générations suivantes. Dans les années 1980, ils vont donner leur nom aux mouvements terroristes «salafistes» issus des Frères musulmans.
La conquête des masses
Après la Seconde Guerre mondiale, la confrérie réunit plus de deux millions de partisans en Égypte. Elle est aussi présente dans les pays arabes voisins (Palestine, Syrie…). Le gouvernement du roi Farouk fait interdire cette confrérie.
Enfreignant les consignes de modération du Guide suprême Hassan Al-Banna, certains militants entrent dans l’action clandestine. La violence culmine avec l’assassinat du Premier ministre en décembre 1948. Il s’ensuit une violente répression et Hassan Al-Banna est à son tour assassiné le 12 février 1949 par la police secrète du régime.
La confrérie soutient dès lors sans réserve les «officiers libres» qui s’apprêtent à renverser la monarchie. Une fois au pouvoir, Nasser rétablit les Frères musulmans dans leurs droits et tente de les rallier à son parti et à son gouvernement. Mais la lune de miel ne dure pas. La confrérie islamiste entre en concurrence avec le régime nationaliste, laïc, panarabe et socialiste de Nasser qui, à son tour, le 4 janvier 1954, décide de l’interdire.
Il s’ensuit une vague de répression avec des milliers d’arrestations et des dizaines d’exécutions. Les biens de la confrérie sont saisis. La répression culmine avec l’exécution, en 1966, de Saïd Qutb (60 ans), idéologue radical de la confrérie, qui a déjà passé dix ans en prison.
Le successeur de Nasser, Sadate, qui a lui-même appartenu aux Frères musulmans dans sa jeunesse, est assassiné le 6 octobre 1981 par des dissidents salafistes du mouvement qui voulaient punir le raïs pour avoir fait la paix avec Israël.
Hosni Moubarak, qui remplace Anouar al-Sadate à la tête de l’Égypte, autorise la confrérie en tant qu’association.
Les Frères musulmans gagnent la sympathie des masses grâce à leurs actions caritatives financées par de généreux donateurs du Golfe. Ils se développent par ailleurs au Proche-Orient et en Tunisie, où ils suscitent la création du parti Ennahda.