Marlène Schiappa est au cœur d’une nouvelle polémique. Devant la délégation aux droits des femmes du Sénat, elle a dénoncé le taux d’épisiotomie en France – 75 %, dit-elle, s’appuyant sur une étude faite en 2013 par l’association Maman travaille qu’elle a créée. Elle a, par ailleurs, commandé au Haut Conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes un rapport sur les « violences obstétricales », expliquant : « Il y a des pratiques obstétricales non consenties avec notamment des violences obstétricales, semble-t-il, particulièrement sur les femmes étrangères, les femmes très jeunes et les femmes handicapées », jetant ainsi un vent de suspicion sur toute une profession qui compterait donc en son sein nombre d’individus brutaux, racistes, misogynes, etc. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français ne décolère pas. Dans une lettre ouverte à Marlène Schiappa, il écrit : « Non, madame la secrétaire d’État, les obstétriciens ne maltraitent pas leurs patientes et entendent à leur tour ne pas l’être par une secrétaire d’État mal informée. » Son président, le professeur Nisand, conteste catégoriquement « les chiffres de la ministre qui ne sont pas les chiffres nationaux », rajoutant que l’« on ne peut pas faire de statistiques sur son environnement », et que « le but est de bâcher une profession qui ne le supporte plus ».

Si la parité au gouvernement voulue par Emmanuel Macron était censée mettre à l’honneur la femme, le résultat est – comment dire cela gentiment ? – mitigé. Les polémiques se suivent, et les ratés aussi. Après la bien nommée ministre de la grande muette Florence Parly, moquée par les réseau sociaux pour son rôle de potiche dans l’affaire du général de Villiers, voici la pétulante Marlène Schiappa, maillon faible (décidément) de la nouvelle équipe. Si l’une est trop silencieuse, l’autre est trop volubile.

Personne ne semble lui avoir glissé qu’il y a un « gap » entre la véhémence militante de la féministe et la parole prudente qui sied à un ministre, un gouffre entre la conversation de copines sirotant leur café ou alimentant un forum dédié à la maternité et des statistiques sérieuses.

Personne ne s’est avisé de la prévenir que si nombre de femmes ont le sentiment, à raison peut-être, que les épisiotomies sont trop nombreuses – comme, d’ailleurs, les accouchements déclenchés et les césariennes -, encore faut-il, pour que cette impression diffuse se mue en déclaration publique, qu’elle soit étayée par une étude au-delà du pâté de maisons. Et pondérée par la prise en compte de l’utilité sanitaire réelle de ces gestes médicaux dans certains cas. Et nuancée par le constat que ces pratiques relèvent d’un excès de prudence et non d’un quelconque sadisme teinté de machisme de la part d’un médecin qui, s’il ne pouvait pas piffer les femmes, aurait sans doute choisi une autre spécialité.

Toute multipare sait qu’il est un moment, au cours de l’accouchement, où l’enfant doit « sortir » sans délai, sous peine d’être mis en danger et de mettre en danger sa mère, et qu’il peut alors y avoir, pour accélérer le processus, des manipulations fermes, pouvant passer pour brutales aux yeux de ceux qui ignorent les risques encourus.

Personne n’a jugé bon de lui souffler que faire passer les praticiens d’une spécialité difficile et en voie de disparition du fait des servitudes, du stress, du risque lié à la judiciarisation de la société et à la montée du communautarisme pour des rustres violents n’était pas forcément une bonne idée. Quand toutes les vocations de gynéco auront été découragées et qu’il ne restera plus de facto que des dermatos et des rhumatos pour les accoucher, pas sûr que les femmes auront tout gagné.

 

Gabrielle Cluzel _ Boulevard Voltaire