Ce sera le bonheur, nous dit la chanson. Suite au rapport d’Yves Lévy France médecine génomique 2025 remis à Manuel Valls et Marisol Touraine, le gouvernement annonce le déblocage de 670 millions d’euros par les pouvoirs publics (2/3) et des intérêts privés (1/3) afin de créer douze plates-formes de séquençage à très haut débit de l’ADN. L’objectif est d’améliorer la médecine en disposant du génome de chaque individu : accès du thérapeute aux gènes de son patient, algorithmes alertant sur des facteurs de risques, et tout ce que nous n’imaginons pas encore. Le plan du gouvernement est 100 % clean question éthique :« Toutes les garanties seront bien sûr apportées quant à la protection des patients et des données les concernant. »
Sur le papier, c’est très bien. Sauf que…
Sera-t-il permis à un quidam, sans impact sur sa couverture d’assuré social, de ne pas voir son génome séquencé ?
Une grande base de données avec tous les ADN accessibles par le corps médical, c’est beaucoup de porosités, donc de vulnérabilités. Alors la garantie mentionnée plus haut ne serait-elle qu’un vœu pieux ?
Certes, le progrès technique améliore la médecine, mais la relation entre patient et thérapeute est altérée par un excès de technique au détriment de l’humain. Ces nouveaux outils, en plus des précédents, n’élargiront-ils pas un peu plus ce fossé ?
Les assurances demanderont et obtiendront le droit d’accéder aux données. Ensuite, en fonction du profil, elles excluront ou surfactureront. Emprunter pour sa maison dépendra-t-il aussi de son génome ?
La compatibilité génétique des couples avant procréation sera-t-elle scrutée afin d’éradiquer les risques de maladies génétiques des futurs enfants ? Qui veut de Big Brother dans l’alcôve ? Les autorités de santé tenteront-elles de « stériliser » les porteurs de maladies héréditaires graves ? Les trisomiques avortés sont les témoins de notre tolérance à l’eugénisme.
Le coût du séquençage de l’ADN d’un individu serait de 175 euros, soit 11,5 milliards d’euros pour 66 millions de Français, ou environ 7 % du budget annuel de la branche maladie de la Sécurité sociale. Les 670 millions annoncés ne sont donc que l’amorçage. N’est-ce pas pharaonique, comme projet ? L’amélioration possible de la santé des actifs aura-t-elle un impact suffisant sur l’activité pour financer de tels coûts ?
Des intérêts privés vont co-investir. Il y a donc un marché où ils espèrent développer des affaires et envisagent un retour sur leur investissement. Les termes du partenariat sont-ils publics ?
Le gouvernement annonce et décide, semble-t-il, tout seul. Est-il normal que, sur un tel projet, le législateur (certes parfois caporalisé) et les partenaires sociaux ne semblent pas être consultés au préalable ?
Je ne garantis pas que mes questions soient bonnes ou exhaustives et je suis sans doute un brin paranoïaque. Mais j’apprécierais que, pour ce genre de décisions publiques, la communication soit moins volontariste, un débat préalable pluraliste soit tenu et que des garde-fous crédibles soient anticipés. Et seuls les paranoïaques survivent.