Combien d’esclaves travaillent pour vous ?

35 esclaves par Français en moyenne…

L’esclavage ne fait pas encore partie du passé. Aujourd’hui encore, on estime à 30 millions le nombre d’esclaves. Leur travail se retrouve dans nos objets du quotidien.

Un site internet, slaveryfootprint.org, propose de calculer, en fonction de ses habitudes de consommation, combien d’esclaves travaillent pour nous. Selon le site, entre 30 et 40 esclaves en moyenne travaillent pour un individu. Avons-nous conscience de l’importance de l’esclavage dans notre vie quotidienne ou la sous-estime t-on ?

Sylvie O’Dy* : La part de l’esclavage est sous-estimée. Quand on achète du chocolat, des vêtements bon marché, on n’a pas conscience que derrière se trouve le travail d’un esclave. On le découvre peu a peu : récemment on a appris que des esclaves étaient utilisés sur les bateaux de pêche de crevettes, on a également beaucoup parlé du Rana plaza….

Quels sont les pays, les objets et les industries les plus concernés ? Quel type d’esclavages encouragent-ils ?

La confection de vêtements est très touchée. Il y a beaucoup d’ateliers textiles qui emploient des esclaves dans les pays très pauvres. On peut aussi parler des champs de cacao dans l’Afrique de l’ouest où travaillent des enfants dans des conditions anormales. Il y a également de grandes propriétés agricoles au Brésil qui emploient des esclaves. Outre la confection et le domaine agricole, il y a aussi l’industrie high-tech qui emploie des esclaves. Un scandale a éclaté a propos d’Apple il y a quelques années, accusé d’avoir des sous-traitants qui employaient des esclaves.

Comment cet esclavage est-il entretenu ?

Les esclaves n’ont pas les moyens de quitter le travail, ils sont menacés, violentés, soumis à une dette… Certains sont devenus esclaves après avoir demandé de l’argent, le prêteur rajoute sans arrêts des frais et l’esclave reste dans cette situation à vie. D’autres sont si pauvres qu’ils pensent qu’un dollar ou un euro par jour pour plusieurs heures de travail est préférable à la misère.

Les entreprises donneuses d’ordre sont-elles vraiment ignorantes du phénomène ?

Il arrive que les entreprises soient trompées par les sous-traitants mais font-elles le nécessaire pour l’éviter ? On ne peut pas répondre, on pourrait penser qu’elles surveillent de plus près les pays où elles commandent des produits. L’un des arguments est de dire que ces entreprises vendent leurs produits peu chers ; est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux vendre les produits plus chers afin de s’assurer que les employés travaillent dans de bonnes conditions ?

Les objets fabriqués par des esclaves sont-ils toujours les moins chers de la gamme ? Est-ce que l’on peut repérer ces objets par leur prix ? Par quels autres signes ?

On peut en effet imaginer que ce sont les produits les moins chers qui ont le plus de risques d’avoir été fabriqués par des esclaves mais le cas Apple a révélé que ce n’était pas si simple. L’étiquette ne peut pas vraiment nous aider non plus. Le lieu inscrit sur l’étiquette est le lieu où ont été assemblés les éléments du produit. Rien n’indique la provenance des différents composants.

Comment lutter contre ce fléau au niveau individuel ?

C’est au consommateur d’être vigilant, de poser les questions sur la provenance des produits et les conditions dans lesquelles ils ont été fabriqués. Il faut créer des mouvements de consommation plus forts, semblables à ceux des Etats-Unis, afin qu’ils puissent faire pression sur les entreprises et exiger des informations sur la manière dont les objets ont été fabriqués. On peut également soutenir les associations qui luttent contre ce problème.

 *Sylvie O’Dy est présidente du Comité contre l’esclavage moderne (CCEM). Journaliste pigiste, elle a été rédactrice en chef de Glifpix (site de journalisme contributif), elle a également travaillé pour les groupes Bayard et Prisma ainsi que pour l’hebdomadaire L’Express.

Elle est l’auteur de Esclaves en France aux éditions Albin Michel (2001), préfacé par Robert Badinter.

 

Source

 

 

Related Articles