Que révèle l’accès aux universités par tirage au sort?

Entre les deux tours de la présidentielle, Najat Vallaud-Belkacem a publié une circulaire qui donne un contenu juridique au recrutement universitaire par tirage au sort.

C’est l’afflux croissant de candidats qui obligeraient les filières « en tension » (médecine, STAPS, droit) à mettre en place un tirage au sort. Soyons honnêtes : le hasard n’intervient qu’à la fin du processus. Les premiers candidats retenus sont ceux de l’académie. Ils sont alors classés selon le degré de priorité accordée à la formation visée. S’il reste de la place, viennent ensuite les candidats hors-académie : pour trancher les cas d’aex-aeqo (nombreux), on tire au sort.

Après tout, ainsi procédaient les Athéniens pour désigner certains magistrats (les plus importants, les Stratèges, sont élus). A ceci près qu’il s’agit d’égalité politique (isonomia), dans le cadre d’une démocratie directe, là où notre tirage au sort foule aux pieds la méritocratie républicaine.

Avec la gauche au pouvoir, plutôt le hasard que la sélection. Macron se dit partisan de certains prérequis, tandis que seule Le Pen souhaite le rétablissement d’une vraie sélection.

Mais les véritables scandales sont ailleurs.

Le premier est celui de la massification de l’enseignement supérieur (« le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat », article L612-3 du code de l’éducation) et la dévalorisation consécutive des diplômes universitaires. La valeur des diplômes d’antan s’est réfugiée dans les grandes écoles qui, elles, sélectionnent (tout en pratiquant, de plus en plus, la « discrimination positive »).

Le second est celui de la fracture croissante entre la France des métropoles et la France périphérique. En effet, la sélection à l’Université donne la priorité à ceux qui résident dans l’Académie. Les candidats de la France périphérique qui ne disposent pas d’universités de qualités (quand ils en disposent) s’enfoncent plus avant dans la relégation. Ajoutons que, comme l’écrit le géographe Christophe Guilluy, « la France est, selon l’OCDE, le pays dans lequel l’environnement familial influence le plus la réussite scolaire » !

 Guilluy propose ainsi de « s’inspirer d’exemples étrangers (notamment américains) où nombre d’universités sont situées en dehors des grandes métropoles ». Il constate qu’en matière d’enseignement supérieur, « pour un jeune issu d’un milieu populaire, il vaut mieux vivre à La Courneuve, en région parisienne, que dans une zone d’emploi ruralo-industrielle de Picardie ».

Ainsi, les possibilités d’ascension sociale, qui passent prioritairement par l’accès à une formation supérieure de qualité, décroissent à mesure que l’ont s’éloigne des quinze plus grandes métropoles. La jeunesse issue de l’immigration, qui vit principalement dans les aires urbaines métropolitaines, est à ce titre injustement avantagée sur celle des classes populaires qui ont fait souche.

Ajoutez-y l’autre réalité française, également dénoncée par Guilluy, qu’est l’entre-soi de la bourgeoise et l’ampleur de la réussite par le réseau, et vos classes populaires traditionnelles seront définitivement piégées entre les classes supérieures vainqueurs de la mondialisation et l’immigration récente bénéficiant du logement social, des avantages métropolitains et de l’affirmative action.

Si sécession des classes populaires il y a, elle sera autant volontaire que subie.

Romain d’Aspremont – Boulevard Voltaire

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