Entre foire aux vanités et retape politicienne!

Les fausses élites auront décidément toujours un problème avec le vrai peuple…

Bon, une fois n’est pas coutume : le coq gaulois a régné sur la Croisette, deux ans après la Palme d’or décernée à La vie d’Adèle, d’Abdellatif Kechiche, mais tombée un peu en pleines Manifs pour tous ; d’où légitime soupçon… La précédente, c’était Entre les murs, encore un film jovial de Laurent Cantet. Plus sérieusement, pour retrouver les grandes heures du cinéma français, il faut remonter au moins à 1987, avec Sous le soleil de Satan, de Maurice Pialat. On vous épargnera les précédentes, à l’exception toutefois du Salaire de la peur, d’Henri-Georges Clouzot.
Là, trois Palmes, parmi les plus prestigieuses : celle d’Or pour Dheepan de Jacques Audiard, celle d’interprétation masculine pour Vincent Lindon, dans La loi du marché de Stéphane Brizé, et son homologue féminin pour Emmanuelle Bercot, pour Mon roi, de Maiwenn, énième film consacré aux affres du divorce ; quelle originalité… Pourtant, ne boudons pas notre plaisir, ce palmarès tombant à juste titre pour faire oublier celui de l’Eurovision, où la Française Lisa Angeli pointe en quasi lanterne rouge, avec une chanson, N’oubliez pas, consacrés au Poilus de la Grande guerre et non point à ceux des Hot d’Or, cérémonie qui avait jadis son rond de serviette au Festival de Cannes.
Malgré une météo immanquablement capricieuse sur la Croisette, les nuages peuvent aussi être porteurs de pluie, surtout lorsqu’accompagnant un communiqué de François Hollande : « Ces récompenses démontrent toute la diversité, l’ouverture et la créativité du cinéma français et l’efficacité et l’originalité de son mode de financement que je veux absolument préserver et défendre au niveau européen ». Après le numéro de pétomane de Manuel Valls à Cannes, à destination des “milieux culturels” ; celui de claquettes du loustic à Julie Gayet, accessoirement garant des institutions léguées par le général de Gaulle…
Ces choses dites, il en est une autre voulant que la France soit championne du monde de consommation d’antidépresseurs ; mais est-ce également une raison pour dealer, sous le manteau ou sur le tapis rouge, des films aussi dépressifs ? Parce qu’entre les pérégrinations d’immigrés tamouls (Jacques Audiard), de chômeurs en fin de droit (Vincent Lindon) et d’aide-soignante pour accidentés de sports d’hiver? Dans le genre, nous est-il permis de plutôt opter pour Les Bronzés font du ski (1979), de Patrice Leconte ? Film qui ne fut finalement salué que par le public ; il était d’ailleurs bien le seul.
Alors oui, malgré tous ses défauts, le système de financement du cinéma français demeure l’un des plus performants au monde pour lutter contre le rouleau-compresseur américain. Alors, oui, encore, la chronique sociale demeure l’un des genres emblématiques du septième art hexagonal. Gas-Oil (1955), de Gilles Grangier, Des gens sans importance (1956), d’Henri Verneuil. Voire même d’autres films consacrés à d’autres marginaux, telles Les Valseuses (1974), de Bertrand Blier.
Mais ce cinéma d’avant, au contraire de celui d’aujourd’hui, exaltait les valeurs populaires, au lieu de les railler ou de les ramener à une simple dimension victimaire. C’était avant Dupont-Lajoie (1975) d’Yves Boisset, qui cauchemardait le quotidien des petites gens, où les films de Robert Guédiguian qui, lui, n’en finit de fantasmer ce peuple de gauche étant depuis belle lurette parti avec armes et bagages vers le Front national.
Ami lecteur, désolé de jouer aux vieux schnocks, mais il y a bien longtemps que le cinéma français est plus souvent chez lui dans les salles que dans cette manifestation où se côtoient miss météo, footballeurs, mannequins, rappeurs et actrices sans carrière, le tout sponsorisé par le gratin des annonceurs internationaux.
Au fait, pourquoi La famille Bélier et Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, à défaut de repartir bredouilles, n’ont même pas été sélectionnés ? Les fausses élites auront décidément toujours un problème avec le vrai peuple…

Lu sur Boulevard Voltaire

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