Tolkien, traducteur de Beowulf, livre ancestral du patrimoine britannique

 

Après 90 ans, confinée sur les étagères d’Oxford, la traduction de J.R.R. Tolkien de l’épopée millénaire du héros goth Beowulf  vient de sortir  aux États-Unis chez HarperCollins. L’ouvrage est également assorti d’un profond travail de critique de notes et de commentaire, ainsi que d’un conte inédit de l’auteur du Seigneur des anneaux intitulé Sellic Spell, dont la forme est inspirée de l’épopée.

 

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Achevée en 1926, la traduction était demeurée jusque-là réservée au cercle d’ami de l’écrivain et universitaire anglais. Il a donc fallu attendre l’initiative de son fils, Christopher Tolkien, aujourd’hui âgé de 89 ans, pour que la traduction parvienne à l’éditeur. « Tolkien a laissé beaucoup de documents qui n’ont jamais été publiés », explique David Brawn, de chez HarperCollins. « On savait depuis depuis des années que Tolkien avait traduit le poème, et certaines rumeurs datant de 2004 suggéraient l’idée d’une publication imminente… Cette sortie va couronner une longue attente, c’est extrêmement excitant pour les lecteurs », commente quant à lui le critique John Garth, auteur de l’ouvrage Tolkien and the Great War.

 La traduction a donc de quoi susciter l’attention. Long de 3182 vers, le poème original est l’oeuvre de langue anglaise la plus ancienne qui nous soit parvenu : elle a été composée entre le VII ème et le X ème siècle dans un anglais que peu sont encore à même de lire et traduire… Divisée en trois parties, elle chante les aventures de Beowulf, grand guerrier Goth venu du nord de la Suède au Danemark pour libérer la cour du roi Hrothghart du héros mangeur d’homme Grendel. Et ceci n’est que le début : pour ceux qui souhaiteraient découvrir la suite…

La traduction du poème par le créateur de la Terre du milieu a donc de quoi séduire, ne serait-ce que pour l’exercice qu’elle représente. En effet, le texte de Beowulf a toujours constitué un défit pour les traducteurs…et beaucoup attendent ainsi avec hâte de voir comment Tolkien a traduit ne serait-ce que le premier mot du vaste chant épique : « Hwaet ». Dans les différentes traductions publiées, il a déjà été transposé en « so » « lo » « hark », « behold », « attend » ou  encore« listen » – pour donner une idée… Son fils soutient que conformément à son caractère perfectionniste, J.R.R. Tolkien a accordé « une grande attention au détail ». Pour autant, il admet qu’il aurait redoublé d’effort s’il avait imaginé un jour publier son long travail sur un texte auquel il était profondément attaché, et qu’il qualifiait lui-même de « chargé d’histoire, ramenant à des temps obscurs et païens antérieurs à la composition du chant même ».

L’éditeur a donc pris soin de mettre en garde sur la nature du nouvel ouvrage afin d’éviter toute méprise  : « Naturellement, il y a une bonne base de fan de Tolkien, mais nous nous sommes efforcés de ne pas présenter le livre comme quelque chose leur étant spécialement destiné. Il faut savoir que c’est un travail fastidieux d’universitaire, long de plus de 400 pages, avec de nombreuses notes, et un vaste appareil critique. Nous ne voulons pas de malentendu sur ce point : c’est un livre sérieux », a expliqué David Brawn.

 D’après Christopher Tolkien la publication de ces inédits permettra de dévoiler un texte qui a eu « une influence profonde » sur l’ensemble de l’oeuvre de Tolkien – et donc sur le Seigneur des anneaux ou Le Hobbit. Peut-être pourra-t-il alors servir aux fans d’heroic-fantaisy de passerelle vers un autre versant de la littérature anglaise ? Car la traduction en prose, d’après Christopher Tolkien, présente l’avantage d’être celle d’un grand conteur immergé dans son l’univers mythique : « C’est comme s’il pénétrait lui-même dans un passé imaginaire : avançant derrière Beowulf et ses hommes quand ils gagnent les côtes du Danemark, écoutant la colère naissante de Beowulf fasse aux railleries d’Unforth, ou le suivant ébahi à la recherche de Grendel dans la demeure de Heorot ».

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