Par Francis Bergeron
L’excellent Francis Bergèse, qui succéda à Hubinon pour l’illustration des albums BD de la série Buck Danny, a pris sa retraite. Hubinon avait illustré les 40 premiers albums. Bergèse – un ancien pilote militaire – lui succéda pour les 12 derniers. Et après la mort du génial scénariste Jean-Michel Charlier, en 1989, Bergèse réussit le tour de force de concocter aussi certains bons scénarii, dans le même esprit que ceux de Charlier, c’est-à-dire anticommuniste et pro-occidental.
Voici qu’une nouvelle équipe : le dessinateur Arroyo et le scénariste Zumbielh, tentent à leur tour l’aventure d’une poursuite de la saga, avec une première aventure intitulée Sabre sur la Corée. Mais le Buck Danny qu’ils font revivre est celui des années cinquante, celui de la guerre de Corée, quand nos héros affrontent les rouges. C’est Philippe Charlier, le fils de Jean-Michel Charlier, qui a suggéré de situer cette nouvelle série à cette époque-là, et pas de nos jours. Pourquoi ? Tout simplement parce que son père, qui avait publié Ciel de Corée en 1954 et Un avion n’est pas rentré en 1955, situés l’un et l’autre pendant la guerre de Corée, avait été censuré en France.
Nos soldats avaient le droit d’aller se faire tuer dans les rangs du Bataillon de Corée, mis au service de l’ONU pour repousser les troupes bolcheviques venues de Chine ; mais les jeunes lecteurs français de Spirou n’avaient pas le droit de savoir ce qui se passait là-bas. Il fallut attendre 15 années de plus pour que ces deux albums puissent être diffusés chez nous ! Aujourd’hui, évidemment, il n’est guère risqué politiquement d’écrire que la Corée du Nord est une effroyable dictature. Mais dans la France de 1954-1955, ce n’était pas osé ou difficile, c’était tout simplement interdit. Du moins de le dire à des enfants. C’était le politiquement incorrect de l’époque.
Avec un malin plaisir, nos auteurs renvoient donc Buck Danny, Tuckson et Tumbler sur le front coréen, pour abattre le plus grand nombre possible de Migs soviétiques et châtier les agresseurs du peuple coréen. La suite a bien montré la justesse de ce combat. Dans Sabre sur la Corée, les communistes sont affreux et sadiques, comme ils l’étaient réellement (et comme ils le sont toujours). On est ravi. D’autant qu’une suite est déjà annoncée. Tout au plus peut-on regretter que tout cela intervienne un poil tard. Trop tard en tout cas pour les Coréens du Nord qui ont déjà derrière eux plus de 60 ans d’esclavage.
Rappelons enfin que 3 421 hommes se sont battus dans les rangs du Bataillon français de Corée, composé uniquement de volontaires, que 269 d’entre eux ont été tués, 7 ont disparu, 1 350 ont été blessés et 12 faits prisonniers. Cela pourrait faire une bonne bande dessinée, un bon film. Il me semble que ce thème n’est guère exploité…
• Sabre sur la Corée, par Arroyo et Zumbiehl, Ed. Zéphyr BD et Dupuis, 48 p., 2014.