Tribune libre d’Alexandre Vatimbella et de Jean-Louis Pommery*
Quand les langues se délient, les «amis» et les «proches» de François Bayrou disent tous la même chose de lui: il agit comme un chef omnipotent, qui croit dur comme fer à la justesse de sa vision, incapable de déléguer, qui se sent investi d’un destin présidentiel auquel il a tout sacrifié, même ses convictions et ses amis politiques ainsi que l’UDF hier et peut-être le Mouvement démocrate aujourd’hui.
Mais ils évitaient jusqu’à présent de faire le bilan de sa carrière politique. Eux aussi croyaient dur comme fer au destin présidentiel de leur leader… Si on estime ce bilan, d’un point de vue uniquement personnel, à ce que François Bayrou est devenu, on peut dire qu’il l’a réussie puisqu’il a été député, ministre, chef de parti et candidat à l’élection présidentielle trois fois. Ce n’est pas rien.
Si on l’estime à son ambition, le constat est nettement moins positif. Ses 9,13% au premier tour de cette présidentielle le mettent très loin, vraiment très loin, de l’Elysée dont il n’a jamais été aussi éloigné qu’en ce mois d’avril 2012.
Si on l’estime aux idées et aux valeurs qu’il était sensé défendre et au Centrisme dont il s’est revendiqué parfois, le constat est alors plutôt négatif puisqu’il n’a jamais hésité à faire fi de certaines de celles-ci pour glaner des voix à droite et à gauche.
Son positionnement «gaullien», ses envolées nationalistes ont été bien décevantes pour beaucoup de centristes lors de la campagne qui s’achève.
Peu importe que François Bayrou soit un intellectuel, un rhétoricien hors pair, un homme maniant facilement la plume, un chef qui a réussi à susciter une admiration confinant à l’aveuglement de ses proches, il a échoué à mettre en avant les idées centristes.
Il n’a pas fait progresser le Centre qui, lui aussi, n’a jamais été aussi éloigné de faire prévaloir ses idées. Pire, son obsession présidentielle l’a fait régressé jusqu’à le morceler et à le rendre inaudible.
Aujourd’hui, le Centre pèse 9,13% soit un petit peu plus que ce qu’il pouvait peser au plus bas de son histoire au cours de la V° République: 6,84%, lors de la présidentielle 2002. Et les deux fois, c’était François Bayrou qui le représentait.
Quand François Bayrou a pris la tête de l’UDF en 1998, la formation comptait 107 députés. En 2012, le Mouvement démocrate en compte deux. Pas une grande ville n’est administrée par un maire appartenant au Mouvement démocrate, pas un département, pas une région.
Enfin, rappelons que François Bayrou a déjà déclaré que, quoiqu’il arriverait, il ne serait pas le premier ministre, ni de Nicolas Sarkozy, ni de François Hollande. C’est cela aussi le bilan de François Bayrou. Et ce n’est pas terminé quand on voit, dès la fin du premier tour, que ses amis n’attendent même pas son opinion pour aller rallier à droite et à gauche les deux candidats du deuxième tour, démontrant ainsi une absence totale de vraie positionnement politique du Mouvement démocrate ainsi que de la petite coalition qu’il avait réussi péniblement à mettre en place pour porter sa candidature.
Le Centre et le Centrisme dans le paysage politique français en cette fin avril 2012 sont sinistrés. Une bien triste campagne présidentielle. La prochaine campagne législative pourra-t-elle changer la donne? Heureusement qu’en politique les bonnes surprises existent aussi…
*Alexandre Vatimbella est journaliste et directeur du CREC (Centre d’étude & de recherche du Centrisme). Jean-Louis Pommery est responsable des études du CREC
> Cet article est produit en partenariat avec le Centre d’étude & de recherche du Centrisme