La France, comme puissance militaire, a un « impératif stratégique : dire et prouver que la République n’est pas un régime hostile aux religions ». Cette déclaration étonnante émane du ministère des armées lui-même. Ce dernier a mis en ligne un document de quarante pages sur ce sujet sensible, intitulé « Expliquer la laïcité française : une pédagogie par l’exemple de la “laïcité militaire” ».
“Même si chaque Français peut avoir une interprétation subjective de la laïcité, il existe pourtant un sens fondamental et juridique qui nécessite un effort particulier de pédagogie dans un contexte international très sensible aux questions religieuses. Dissiper les malentendus est devenu un enjeu stratégique majeur dans un monde où des convictions religieuses et non religieuses motivent un nombre croissant d’actions violentes (questions du blasphème, de l’apostasie, de liberté de l’action missionnaire ou de l’expression de l’athéisme). Cette dimension s’impose
aujourd’hui dans l’environnement humain de nos théâtres d’opération, au sein même de nos coalitions militaires et dans nos relations diplomatiques.
L’ancien officier de marine, philosophe et Académicien Michel Serres raconte qu’à la fin des années soixante, lorsqu’il voulait intéresser les étudiants, il leur parlait politique et, pour les faire rire, il leur parlait religion. Aujourd’hui, il remarque que c’est exactement l’inverse. La religion est incontestablement redevenue un sujet d’intérêt majeur dans la plupart des pays du monde.
L’idée de ce document est née d’un triple constat fait par plusieurs attachés de défense notant que leurs interlocuteurs locaux :• considèrent la laïcité comme une singularité française ; associent la laïcité « à la française » à une hostilité envers toute affirmation publique d’une identité religieuse ;• notent que chaque Français interrogé sur la laïcité en donne une définition très personnelle.
Il est important de répondre à cette perception caricaturale, car l’image d’une France « hostile aux religions » génère souvent des sentiments négatifs envers notre pays. Dans cet effort de communication, il conviendrait de ne pas surestimer la singularité du modèle français de laïcité et d’éviter de le présenter comme un dogme qu’il n’est pas. Pour expliquer « ce que n’est pas la laïcité », l’exemple de sa pratique dans l’institution de défense semble particulièrement utile. Cette « laïcité militaire »illustre que la République n’est en rien hostile à l’expression publique de
sentiments religieux. Afin de garantir la liberté de pratique religieuse dans l’environnement particulièrement contraignant des armées, l’État salarie des aumôniers militaires de quatre cultes – catholique, israélite, protestant depuis 1874 et musulman depuis 2005. La République est garante du respect de la liberté de pensée, de conscience et de religion. Ceci implique une égalité de traitement entre non-croyant et croyant, mais aussi un devoir, pour les pouvoirs publics, de permettre à chacun de vivre paisiblement sa foi. Ainsi que l’a rappelé Emmanuel Macron devant le Conseil français du culte musulman le 20 juin 2017 : « C’est la raison pour laquelle l’État a encouragé et accompagné la structuration d’aumôneries musulmanes au sein de nos forces armées [depuis 2005], dans les établissements pénitentiaires, dans les établissements hospitaliers». Puis, se tournant vers l’ancien chef de l’aumônerie militaire israélite, le Grand Rabbin Haïm Korsia, le Président de la République poursuit : « L’Aumônerie aux Armées notamment, cher Haïm, est exemplaire en termes de formation, de communication et de dialogue avec les autres cultes. Cet exemple doit beaucoup au soutien du ministère des Armées et il devra servir d’exemple aux autres associations et administrations concernées.”
Ce vivre ensemble est une expérience concrète au sein de nos armées. C’est la fraternité d’armes avec des valeurs de tolérance et de respect qui rassemblent dans une même cause, celle de la défense de la France. Le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre, a déclaré dans une interview donnée au journal Les Échos (le 8 octobre 2017) : « L’armée est une matrice
de transformation. C’est le seul endroit où se retrouve la société française dans toute sa diversité.” “