https://www.youtube.com/watch?v=AdTbKwica-M
(…) Ce n’est pas vraiment avec l’idée de jouer un rôle sur la scène politique que ces vidéastes se sont lancés sur YouTube. « Nous voulions surtout servir de relais, de passeurs entre l’université et le grand public. L’objectif était de vulgariser des concepts de sociologie et de proposer d’autres analyses contestataires que celles de l’extrême droite ou d’Alain Soral », expliquent Stéphane Lambert, Xavier Cheung et Ludovic Torbey, d’Osons causer.(…)
Ces youtubeurs se veulent engagés, pas militants. Mais leur discours, orienté à gauche, peut-il avoir une influence sur le vote de leur public ? « Sur Internet, les algorithmes de recherche orientent les gens vers les contenus selon leurs préférences. Cela crée des bulles filtrantes et certains se retrouvent à ne prêcher que des convaincus, explique Anaïs Theviot. Mais les contenus des gros youtubeurs, très partagés, deviennent viraux et touchent un très large public. »
Leur audience est globalement assez jeune. Beaucoup d’abonnés ont entre 18 ans et 30 ans, leur culture politique est en formation. « L’objectif de ces vidéastes est précisément d’intéresser leur public à la politique. Ils vont peut-être changer quelques votes, mais leur vraie influence est d’offrir aux jeunes un autre éclairage que celui de leurs milieux sociaux », précise la chercheuse du CRAP.
Pour s’adresser à un public jeune, il faut savoir se rendre accessible. Fabrice Barnathan, de la chaîne Le Stagirite, ne s’en cache pas, « quelqu’un qui regarde une vidéo de Norman doit pouvoir passer à une des miennes sans se sentir dépaysé, même si le propos est différent, plus complexe. C’est justement l’un des avantages de YouTube, on peut y parler du fond », explique cet ancien professeur de philosophie. Ironie, effets de montage, voix off, chacun sait mettre à profit les codes de la plate-forme pour faire passer son message. Les youtubeurs ont recours à ces recettes pour essayer de mettre en place un lien horizontal avec leur public.
Peser en faveur de la gauche
Dans la recherche de la viralité, certains vont cependant plus loin. Osons causer, qui collabore pour la durée de la campagne avec Mediapart, a fait le choix de privilégier les contenus courts en lien avec l’actualité et de les diffuser sur Facebook. Résultat, la vidéo intitulée « Qui est vraiment Emmanuel Macron ? », pensée pour le réseau social de Mark Zuckerberg, a été vue des millions de fois. « On ne gagne pas d’argent en diffusant sur Facebook, explique le trio d’Osons causer. Mais ça nous donne accès à un public bien plus large. Et comme notre objectif est de gagner la bataille culturelle, nous allons continuer. »(…)
Entre les vidéastes restés proches de la sphère politique classique et ceux qui misent tout sur l’éducation populaire et la société civile, une rupture s’est produite. Il existe toujours une proximité entre les deux mais les buts visés ne sont pas les mêmes. « Je me place moi aussi dans une bataille culturelle, explique Usul, mais je ne suis pas prêt à toutes les concessions. Je veux parler du fond sans être simpliste ou trop bref. Je ne suis pas allé sur YouTube pour retrouver le même fonctionnement que les partis politiques. Le risque, bien sûr, c’est de restreindre mon public. »
Les partis pris diffèrent donc, les audiences aussi. Dany Caligula et Usul plafonnent sous les 200 000 abonnés quand Osons causer se classe dans le top des vidéos les plus vues sur Facebook. A l’approche d’une élection, cette capacité à toucher une large audience peut compter. Mais celui qu’on entend le plus n’est pas forcément celui qu’on écoute le mieux.