Maurice Nogues, le rêve d’orient de Bernard Marck

De nos jours, les enfants rêvent, à juste titre, de conquête… spatiale. Toujours plus loin, toujours plus haut, malédiction prométhéenne ou rêve olympique à portée des plus enthousiastes, des plus courageux, des plus fous ? Il y a à peine un siècle, le domaine des airs s’arrêtait à celui de l’aviation et de ses balbutiements. Quelques meetings attiraient en masse les foules avides de frisson. Petits et grands avaient la tête dans les nuages. Celle de Maurice Noguès y resta. A quoi tenait une passion dévorante, débordante, qui fera du petit Maurice un pionnier accomplissant un rêve bien plus qu’une ambition ? Nul ne le sait, mais il n’en deviendra pas moins le créateur de la ligne Paris-Saigon, formidable route aérienne entre la France et l’Indochine d’hier. Fleuron de la future compagnie Air France, dont il sera l’un des directeurs emblématiques, elle survolait Rome, Téhéran, Karachi, Bangkok… Promesses d’évasion et de nostalgie.

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Une jeunesse, un idéal, c’est poursuivre, malgré les obstacles, humains ou matériels. Travailler inlassablement afin de confirmer son appétence à bâtir, à dessiner des routes dans le ciel. Reconnaître des tronçons avec des appareils inadaptés afin d’en améliorer les performances, réussir à les adapter aux nouvelles exigences du transport aérien. Franc et direct, courageux et modeste, d’une volonté de fer, éveilleur de vocation, le Breton Noguès, méthodiquement, franchit les obstacles par paliers.

Grâce à l’auteur qui a réuni une formidable documentation, recueilli des témoignages nombreux, nous avançons dans ses pas, d’aventure en aventure. De sa plus tendre enfance à l’accident sur une colline du Morvan le 15 janvier 1934. A bord du trimoteur L’Emeraude, il rentrait de Saigon en compagnie du gouverneur général de l’Indochine, Pierre Pasquier. « Sommes dans la neige, altitude 1,700 m. Je vous rappellerai », annonce Ferdinand Querel, le radio du bord. Il est 19 h 34. Il ne rappellera plus. Fin tragique.

Mermoz qui était présent à son enterrement à Locmaria résumera ainsi la vie du disparu : « Je perds un grand frère. Noguès parlait d’autant mieux notre langage d’aviateur qu’il avait contribué à en forger le vocabulaire dans le ciel, en formidable précurseur qu’il était. On le sentait habité par une mission sacrée, comme ces moines qui s’aventuraient en terre inconnue, sans doute prêt à se sacrifier pour elle, mais jamais il n’aurait hasardé la vie d’un de ses équipages sans avoir effectué le vol lui-même. » L’homme totalisait 1 661 heures de vol comme pilote militaire et 3 950 comme pilote civil.

Héros oublié aujourd’hui devant les exploits de l’Aéropostale, de ses pairs Mermoz, Saint-Exupéry. A quoi tient la notoriété ?

Bernard Marck a réparé cette injustice, devoir de mémoire oblige. Nous lui en sommes gré.

Bernard Marck, Maurice Noguès, le rêve d’Orient, éd. Jean Picollec, 652 p., 24,90 euros.

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