Par Samuel
Est-ce le printemps des illustrateurs ? Après Gustave Doré au musée d’Orsay , honneur à Carl Larsson au Petit Palais.
Son petit palais à lui était suédois et s’appelait « Lilla Hyttnäs ».
Carl Larsson (1853-1919) est né dans une famille très pauvre de Stockholm. Très tôt, l’art représente pour lui l’espoir d’échapper à une enfance malheureuse. Il entre à treize ans à la Principskolan qui prépare à l’académie des beaux-arts, puis aux beaux-arts. Il collabore comme illustrateur à quelques revues et journaux, mais Paris l’attire. Elle est le phare artistique de toute l’Europe.
Son premier séjour (1877-1878) est infructueux. Ruiné, déprimé, il rentre en Suède. Le deuxième séjour sera le bon, même si tout ne lui sourit pas. Des tableaux sont refusés au Salon. Larsson se cherche. Une toile comme Idylle (vers 1882) se veut une scène contemporaine et parisienne, galante comme il se doit et d’assez mauvais goût.
De la Seine-et-Marne…
En 1882 il rejoint la colonie d’artistes scandinaves et anglo-saxons installée à Grez-sur-Loing, près de Fontainebleau. Il y rencontre le peintre Karin Bergöö, sa future femme, et l’aquarelle. L’étang de Grez-sur-Loing (1883) avec ses verts et ses gris, sa vibration, est représentatif d’un premier style propre. Il y a toujours un personnage au moins dans les paysages de Larsson : un paysan, des enfants. Plus que des paysages, ce sont des coins de nature habités par l’homme (Dans le jardin potager, aquarelle, 1883). La cohabitation de l’un et l’autre, sous sa plume et son pinceau, est essentiellement harmonieuse. Ces aquarelles sont reconnues. L’Etat français en acquiert une, le Nationalmuseum de Stockholm plusieurs.
Dans les années 1890, les Larsson alternent les séjours français et suédois. L’artiste remporte le concours pour le décor mural de l’escalier du Nationalmuseum. Le thème en est l’histoire de l’art suédois (deux projets, à l’huile sont exposés). Mais le talent de Larsson n’est pas de parler de l’art suédois, il est d’en écrire une page.
… au cœur de la Suède
Carl et Karin Larsson rentrent en Suède en 1889. Ils habitent « Lilla Hyttnäs », une petite maison en bois, peinte en rouge, du village de Sundborn. Là, au cœur de la Suède, entre forêt, rivière et lac, les Larsson et leurs huit enfants vont mener une vie simple et ensoleillée. Karin a abandonné la peinture et met son œil au service de la décoration de la maison. S’y mêlent une esthétique japonisante et l’apport rustique local.
Carl prend comme sujets la maison, les alentours et les activités de la maisonnée. Qu’il neige ou que la lumière claire entre à pleines fenêtres, les images de Larsson (trait à l’encre, couleurs à l’aquarelle) donnent inlassablement l’idée d’un petit paradis.
Trois recueils paraissent : Notre maison (1899), Les Larsson (1902), Du côté du soleil (1910). Le succès ne se limite pas à la Suède, en 1909 paraît en Allemagne un florilège, Das Haus in der Sonne (la maison dans le soleil).
Nous visitons la cuisine, le salon, l’atelier, « la chambre de papa », mais jamais vides. Comme pour les paysages, les lieux sont habités. Adultes et enfants s’y livrent à des activités quotidiennes. On écosse des petits pois, on lit, on écrit ou on coud. Les grandes baies suppriment presque la distinction entre intérieur et extérieur, et c’est unePêche aux écrevisses, le Petit-déjeuner sous le grand bouleau – ou une promenade d’enfants en barque, intitulée La virée viking à Dalom, des plongeons dans le lac. Retour à l’intérieur : les scènes d’enfance du matin de Noël ou de telle fête restituent, plus qu’une ambiance, une atmosphère.
Vie sereine, vie rêvée. Il y a un côté « Petite maison dans la prairie » ou couvercle de boîte de chocolat dans ces images ? L’impression, la répétition en est la cause. Car chacune de ces grandes images – la taille est importante, imprimées dans un livre elles perdent en force et gagnent en mignardise – est d’une réelle beauté et d’un sentiment vrai. Larsson n’exploite pas un thème facile, il vit cette vie de famille heureuse avec d’autant plus d’appétit que sa jeunesse fut sombre.
• Carl Larsson – l’imagier de la Suède. Jusqu’au 7 juin 2014, musée du Petit Palais.