La société Pathé vient de restaurer quatre œuvres maîtresses du réalisateur des Tontons Flingueurs: Le Monocle noir, L’œil du Monocle, Mort d’un pourri et Le 7ème Juré. Où l’on découvre que ce cinéaste français fait bel et bien partie des plus grands. La maison de cinéma Pathé vient de restaurer quatre pépites de Georges Lautner: Le Monocle noir et L’œil du Monocle avec le flegmatique et facétieux Paul Meurisse; Le 7ème Juré avec l’étonnamment juste Bernard Blier; et Mort d’un pourri avec un Alain Delon au faîte de son art. Ces quatre films montrent toutes les facettes du talent du réalisateur. On retrouve dans les Monocles l’esprit parodique qui sera la marque de fabrique des comédies lautneriennes, des Tontons en passant par Ne nous fâchons pas jusqu’au Guignolo.
Le 7ème Juré est le film préféré de Georges Lautner
Le 7ème Juré était de l’avis même de Lautner son film préféré. Ce thriller, comme on ne disait pas encore à l’époque – Bernard Blier y campe avec une justesse inouïe un assassin violeur – est apparemment aux antipodes du «lautnerisme» classique. Mais il détient cette caractéristique des créations du cinéaste: l’absence de scènes inutiles à la progression de l’intrigue. Dramatiques ou comiques, les scénarios de Lautner n’ennuient jamais car ils maîtrisent avant tout l’art de l’ellipse.
Dans Mort d’un pourri on voit comment Lautner sait tirer le meilleur parti des monstres sacrés. Alain Delon dans la peau d’un homme intègre perdu dans un monde corrompu signe ici une de ses meilleures compositions. À revoir le film «toiletté» comme au premier jour, on s’aperçoit que les résonnances avec l’actualité sont pour le moins troublantes. Lautner avait déjà réussi le même tour de force avec Lino Ventura et Jean Gabin avant d’entraîner à son tour dans sa bande Jean-Paul Belmondo quelques années plus tard dans Le Professionnel.
Il y a un an et demi Georges Lautner nous quittait, quelques jours avant le 50e anniversaire des Tontons Flingueurs. Une belle postérité lui est déjà assurée. De son vivant on l’a cru longtemps uniquement capable de faire des films pour faire rire. le genre comique fait certes des entrées mais il ne reçoit jamais de prix aux César.
«…Georges Lautner est le meilleur monteur du cinéma français…»
Michel Audiard
Et puis les nouvelles générations ont (re)découvert Les Tontons flingueurs et à sa suite une ribambelle d’excellentes comédies (Les Barbouzes, Fleur d’oseille, On aura tout vu…). ils ont ri au génie des dialogues de Michel Audiard. Mais l’écriture ne fait pas tout.
Le dialoguiste en personne s’est fendu lui-même d’une lettre ouverte à l’intention des détracteurs du talent de cinéaste de Lautner. On ne peut résister à vous en donner cet extrait: «J’ai eu la joie de collaborer à certaines de ces œuvres, pas à toutes, eh bien que ‘j’y sois’ ou non, je retrouve ce ton très particulier qu’il faut bien à la fin des fins, appeler lautnerien. Lautner ça existe. Voilà. Il faut bien admettre que pour s’être imposé (et comment!) dans ce boulot où nulle réussite n’est le fruit du hasard, lautner possède quelques petites qualités personnelles. Lesquelles? Une complicité instantanée, presque magique, avec les comédiens, un amour minutieux du cadrage, une certaine passion pour la pyrotechnie, et surtout un sens prodigieux du rythme aidé par le fait (j’allais oublier ce détail!) que Georges Lautner est le meilleur monteur du cinéma français. C’est pas si mal, tout ça.»
Que peut-on ajouter à pareil éloge? Si peut-être quelque chose. Dans son autobiographie (On aura tout vu, chez Flammarion) Lautner rend hommage à la Nouvelle Vague qui en son temps avait ouvertement dénigré son travail: «… La Nouvelle Vague a tout fait valser. Elle nous a apporté une plus grande liberté dans la façon de travailler, de manier la technique avec moins de moyens. Bravo et merci». En plus d’être talentueux, Georges Lautner n’était pas rancunier. Et comme le dit son ami le «flingueur» romain Venantino Venantini: «Georges, c’était le dernier grand seigneur du cinéma.»