Déni démocratique!

Suis-je seul à éprouver ce sentiment?
Il me semble que le monde politique et médiatique, la France d’en haut, qui s’exprime et apparaît sur les écrans de télévision, s’échappe chaque jour un peu plus dans l’irréel.
Elle fait son petit roman, son film, son feuilleton. La loi Macron n’a rien, vraiment rien de révolutionnaire.
Cette affaire d’autoriser les commerces à ouvrir 12 dimanche par an, avec l’accord de la mairie, ne va pas bouleverser l’économie française, pas plus que la déréglementation du notariat…
L’usage de l’article 49-3 est tombé à point pour transformer en événement un non-évènement.
Hier matin sur RTL, j’entendais cette chercheuse à l’accent britannique de circonstance nous expliquer que « les heures sombres (sic) » étaient de retour, à propos de l’incident raciste du métro, certes ignoble, mais totalement marginal et isolé qui accapare l’actualité depuis deux jours (un groupe de supporters de football fanatisés qui empêche un homme de couleur de monter dans la rame).
Une étudiante de 22 ans violée dans le Paris-Melun, le 4 février, cela a fait infiniment moins de bruit.
La grande passion politico-médiatique du moment est la « poussée extrémiste« , au moins dans les sondages.
Ils ne peuvent plus parler d’autre chose, ce qui les arrange bien. Prenons M. Raffarin, ancien Premier ministre, quand même. Le 12 février, il déclare (LabEurope 1) que le FN « ne gagnera aucun département lors des élections de mars« . Puis, le 18 février il annonce qu’une « la victoire du FN aux présidentielles n’est plus théorique » (TF1).
Un minimum de cohérence ne serait pas inutile.
Amusez-vous, amusez-vous…
Quant aux petites phrases sur « l’influence juive« , prononcées par M. Dumas, reprises par M. Le Pen, elles me font honte, honte pour ceux qui les ont proférées bien sûr, mais aussi honte pour les médias qui les ont relayées.
Tiens, ce matin, le Président fait de nouveau la « une » en inaugurant le Salon de l’Agriculture pour dire aux agriculteurs « n’ayez pas peur« . Puissant et utile message. Moi, je suis de plus en plus révulsé par le culte de la personnalité, la saturation médiatique de l’image présidentielle, chaque jour, du matin au soir, qui est une insulte à l’intelligence et la sensibilité populaire.
Cette France officielle, visible, apparente, médiatique, semble de plus en plus se moquer de la France profonde, avec ses 5,5 millions de chômeurs, sa violence quotidienne, ses fins de mois difficiles, ses jeunes qui ne peuvent ni travailler, ni se loger, ses inquiétudes concernant les déficits et la dette du pays, fardeau qui retombera sur les futures générations.
Dans un monde de plus en plus menaçant, instable, d’une violence inouïe – Russie, Moyen-Orient, Maghreb – la folie des hommes aux portes de l’Europe, cette France d’en haut devient chaque jour un peu plus le boulet de la France.

Une simple évidence à propos du 49-3 :

Depuis toujours, je trouve cet outil qui permet au gouvernement de faire adopter sans vote un projet de loi par l’Assemblée nationale, particulièrement insolite. Il me semble symboliser, pas seulement le « parlementarisme rationalisé », mais le mépris du pouvoir législatif, c’est-à-dire, du suffrage universel. Il pouvait se comprendre en 1958, par la volonté d’instaurer un gouvernement fort et de réduire la toute puissance du Parlement. Il est incompréhensible aujourd’hui, dans un contexte de profond discrédit populaire de la politique en général. A quoi sert-il d’élire des députés si, en cas de désaccord avec le gouvernement, ce dernier peut s’affranchir de leur point de vue? Aujourd’hui, cet article 49-3 se présente comme un archaïsme humiliant pour les élus du suffrage universel et donc pour les électeurs eux-mêmes. Personnellement, son usage ne me donne pas du tout un sentiment d’autorité mais plutôt de faiblesse et de déni démocratique .

Maxime Tandonnet

Lu sur L’observatoire du Mensonge

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