La Fashion Week vient de commencer à Paris, et le moins que l’on puisse dire, c’est que la profession de top model ne semble pas très affectée par la loi « mannequins » de 2016, censée lutter contre la maigreur excessive de ces portemanteaux ambulants. C’est en 2006 à Barcelone que, pour la première fois, ne purent prendre part au défilé que les femmes dont l’indice de masse corporelle (le poids divisé par la taille élevée au carré) était au moins de 18 ; soit, par exemple, 56 kg pour 1,75 mètre. L’objectif affiché des organisateurs était de contribuer à lutter contre l’anorexie de trop d’adolescentes désireuses de ressembler à ces modèles.
La course au thigh gap, consistant à avoir le plus grand espace possible entre les cuisses, pieds et genoux serrés, devenait le nouveau sport des jeunes filles en quête de minceur. D’autant plus que les retouches furtives des photos de mode, si faciles à réaliser grâce à l’imagerie assistée par ordinateur, peuvent produire des archétypes véritablement surnaturels.
Si les couturiers espagnols ne bronchèrent pas trop contre ces restrictions, il n’en fut pas de même chez nous où Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture, déclara: « C’est au créateur de décider de quel type de mannequin il a besoin […]. Cela ne se réglemente pas. » En ajoutant que si une telle mesure était prise en France, « tout le monde rigolerait ». Rigola-t-il dix ans plus tard quand Marisol Touraine, probablement heureuse de ce dérivatif aux problèmes majeurs d’accès aux soins qu’elle peine à affronter, promulgua sa loi ? L’histoire ne le dit pas…
L’article 19 oblige les publicitaires à ajouter la mention « photo retouchée » dans les magazines. Et l’article 20 dispose que tous les mannequins doivent produire un certificat médical pour exercer leur profession, attestant que l’état de santé de la cover-girl, dont un indice de masse corporelle suffisant, est compatible avec l’exercice de son métier. On pouvait enfin croire à un peu d’éthique dans ce monde… étique. Mais un an plus tard, rien n’a changé, le texte n’est toujours pas applicable ! Serait-ce les pressions du lobby de la mode ? Ou simplement l’invraisemblable course de haie que représente, chez nous, la mise en œuvre des législations les plus simples ?
C’est qu’après l’avis des professionnels, il faut celui de la Haute Autorité de santé, celui du Conseil d’État et celui du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT). Et ensuite, bien sûr, celui de la sainte Commission européenne sans laquelle rien de sérieux ne peut se faire… Alors rendez-vous dans un an pour la Fashion Week 2018 !