Ironie du sort ou hasard du calendrier, le musée de l’immigration inaugurait le 10 novembre dernier une exposition ramenarde et compassionnelle sur le thème des frontières. Ses deux commissaires, l’historien Yvan Gastaut et la sociologue Catherine Wihtol de Wenden, avaient imaginé un parcours mêlant archives, œuvres d’art et témoignages. Dès la première salle, le ton était donné. Il fallait faire pleurer Margot avec les migrations méditerranéennes, les rafiots de migrants et autres embarcations aux mains des mafias qui tirent un bénéfice substantiel de ces différents trafics humains. Trois jours plus tard, les tueries du Bataclan et des bars branchés du 11e arrondissement, auxquelles ont pris part des clandestins violeurs de frontières, plongeaient notre pays dans l’hébétude et rappelaient la triste réalité du terrorisme islamique qui se sert de l’arme migratoire pour prendre possession de l’Europe.
Etat d’urgence oblige, les manipulateurs du musée de l’immigration ont reçu en boomerang l’arrêt momentané des visites scolaires mais n’ont pas désarmé pour autant. Deux mois après les attentats, ils continuent de défendre bec et ongles leur montage médiatique.
Vérités et contre-vérités
Histoire de rappeler la réalité des murs-frontières érigés un peu partout dans le monde, les équilibristes qui ont monté cette exposition répertorient, vingt-cinq ans après la chute du mur de Berlin, une cinquantaine de murs de séparation, allant du tristement célèbre mur érigé par Israël en 2002 le long des territoires palestiniens au mur construit en 2006 par les Etats-Unis le long de leur frontière avec le Mexique en passant par celui séparant les deux Corées. Curieusement, pas la moindre trace du mur érigé à Chypre, en plein cœur de la capitale Nicosie, par la Turquie lors de l’invasion en 1974 de l’île d’Aphrodite… toujours occupée par l’armée d’Ankara. Oubli ? Volonté de passer sous silence l’appropriation d’une terre chrétienne avec le consentement de l’Oncle Sam et le silence embarrassé de l’Europe ? Mystère.
En revanche, la volonté est délibérée de mettre l’Europe en accusation et de la rendre responsable de tout. A preuve, une vidéo de Bruno Boudjelal, intitulée Haragas et qui met en scène la traversée de la Méditerranée par de « jeunes brûleurs de frontières » qui détruisent leurs papiers avant de lever l’ancre. Réalisé à partir de puces de téléphones portables de migrants algériens récupérées auprès d’une association, ce montage est censé faire vivre la traversée de la Méditerranée en direct, avec tous les dangers d’une navigation sur des embarcations surchargées. Il ne s’agit donc pas d’un reportage, mais d’une juxtaposition d’instantanés mis bout à bout. Curieuse conception de l’information… Mais doit-on s’en étonner quand on se rappelle la photo du petit Aylan dont la diffusion, après manipulation, a contribué à émouvoir à bon compte la terre entière ?
Même volonté de travestir les faits avec la vidéo (encore une) Liquid Traces de Charles Heller et Lorenzo Pezzani. Les deux compères, très impliqués dans la défense des migrants, ont reconstitué la trajectoire d’un Zodiac qui avait quitté les côtes libyennes en 2011 pour la Sicile. A court d’essence, il avait dérivé pendant deux semaines avant de s’échouer sur les côtes libyennes avec neuf survivants. Une reconstitution qui tombe à pic pour tous les faussaires des nouvelles migrations et s’apparente à d’autres reconstitutions comme à Auschwitz par exemple.
Le visiteur n’échappe pas aux photos de Bruno Serralongue sur la jungle de Calais ni à celles de Thomas Mallaender qui a saisi avec son objectif le ballet incessant des voitures qui quittent Marseille pour le bled, bourrées jusqu’à la gueule de marchandises, sacs, bagages et autres vélos… « tombés du camion ».
Pour un éloge des frontières
Démagogique au plus haut point, cette exposition tombe au pire moment pour ses concepteurs qui ont dû encaisser coup sur coup les tueries du 13 novembre et les violences faites aux femmes à Cologne, en Suède et ailleurs par des migrants mâles, musulmans pour la plupart. Ces deux événements ne les ont visiblement pas ébranlés dans leurs convictions, eux qui plaident pour « qu’on ne considère plus celui qui circule librement comme un criminel en puissance mais comme un acteur à part entière ne remettant pas en cause systématiquement la souveraineté des Etats » (1).
Ils auraient été bien inspirés de lire le précieux ouvrage de Régis Debray, Eloge des Frontières, dans lequel l’ancien guérillero internationaliste condamne la mauvaise conscience de l’Occident en ces termes : « Une idée bête enchante l’Occident ; l’humanité, qui va mal, ira mieux sans frontières. D’ailleurs, ajoute notre Dictionnaire des idées reçues (dernière édition), la démocratie y mène tout droit à ce monde sans dehors, ni dedans. » Publié en 2011, cet ouvrage n’a pas pris une ride et devrait figurer dans la bibliothèque de tout honnête homme. Angela Merkel, adepte patenté de l’ouverture tous azimuts des frontières aurait dû se plonger dans le livre de l’ancien soixante-huitard pour qui « toute frontière est comme le médicament, remède et poison. Et donc affaire de dosage ». Question dosage, Angela Merkel, tout comme d’ailleurs la majorité des dirigeants européens, a tout faux.
(1) Catalogue de l’Exposition/Conclusion.
FRONTIERES : jusqu’au 29 mai 2016, musée national de l’histoire de l’immigration 293 avenue Daumesnil, Paris 12e
Françoise Monestier – Présent